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Le toutou déluré

J’ouvre les yeux, la lumière scintillante de cette journée chaude qui s’annonce tombe du velux de ma chambre sur les pieds de mon lit, mon réveil hurle, un coup de poing dessus et il se rendort. Je pose pied à terre et je cours jusqu’à la salle de bain, j’entends ma mère qui hurle.

« Pablo, dépêche-toi, tu es en retard !

- Ouais ! Je sais, je sais ! » En me penchant légèrement par la fenêtre, je peux voir les deux bouts de ma rue. Je regarde en bas à droite et je vois mon ami qui va au lycée (enfin je le vois après avoir mis mes lunettes).

« Hé Guillaume ! On est en retard ?

- Non c’est bon, prends ton temps. » Il se retourne et part.

Rassuré, je lève les yeux au ciel et là, je vois… un sublime, magnifique Fessier ! La déesse blonde se douche ! Je tente d’éteindre le feu qui coule dans mes veines. Au moment où enfin le volcan va cracher la lave, je m’appuie sur le rebord en plastique de la fenêtre avec ma main gauche mais l’humidité de celle-ci me fait glisser et je me retrouve à moitié dehors. Malheureusement une dame passe dans la rue ! L’éruption est lâchée ! La vieille arrosée ! Elle hurle en me regardant.

« Arch ! Boudwurst ! Canaille ! Gredin ! Arshlor ! Espèce de malappris. »

La vieille porte un chapeau et une robe façon Elizabeth II. Son affreux petit Yorkshire au bout de sa laisse émet un son qui se voudrait être un puissant aboiement mais qui ne ressemble qu’au couinement d’une grosse souris…

Je ris et ferme le fenêtre. Une bonne journée s’annonce. Je finis de m’habiller et là je tombe nez à nez avec la vieille. Elle a des cheveux gris, rêches et sales, une verrue sur le nez et une haleine fétide. Elle enroule sa main autour de mon bras telle une tentacule, elle me broie l’os avec ses ongles longs comme des griffes, elle fulmine et un peu de liquide blanchâtre dégouline de sa joue.

- « Sale gosse, tu vas payer… ». Sa voix ressemble à un grognement, tout en cette femme (cette chose !) me répugne et m’effraye.

- « Lâchez-moi vieille bique ! »

Elle se met à sourire avec ses dents noircies et pourries.

- Tu veux que je dise tout à tes parents ? Que tu te masturbes à ta fenêtre en regardant ta voisine ? »

Aïe, j’imagine la scène ! Ma mère catholique affirmée ! J’entends déjà sa voix :

- « Tu nous fais passer pour une famille de dépravés ! Les gens vont penser que ton père va aux prostituées et toi ! Que vas-tu devenir ?! Un exhibitionniste, ou pire ! Un acteur… un acteur (elle chuchote) pornographique ! »

J’abandonne…

- « Que voulez-vous ? »

Elle sourit toujours et un léger filet de bave coule sur son menton.

- « Ton corps.

- Quoi ! Mais ça va pas non, espèce de pédophile !

- Mais non ! Pour faire le ménage chez moi !

- Ha.

- Je ne suis plus toute jeune, j’ai besoin d’aide et peut-être qu’en plus je te paierai ! Je viendrai te chercher chez toi quand j’aurai besoin. Vas à l’école, je vais parler à ta mère pour lui dire quel gentil garçon tu es. »

Je partis à contre-cœur, les entrailles retournées d’angoisse, finie la belle journée…

***

Je monte les escaliers, la chaleur est étouffante sous mes large vêtements, enfin j’arrive au bon étage, je trouve la bonne porte, je frappe, j’entends la voix d’une femme plutôt jeune :

- « Entrez ! »

Je vois la surprise se peindre rapidement sur son visage, ainsi qu’une légère marque de dégoût, puis rapidement le visage repris son expression impassible. Je lance :

- Bonjour Madame, je me nomme Béatrice Merkel.

- C’est pourquoi ?

- Vous parler de votre fils.

Plus tard, quand je repars je me sens mieux, j’ai moins chaud et je n’ai plus cette atroce liquide d’ado excité sur le visage ! Tout se met en place. Mon nouveau petit chien me suit docilement, qu’il est MIGNON !!! Il s’appelle Anthony, avec ses gros yeux globuleux et ses oreilles immenses par rapport à sa tête. Je retourne à mon appartement après la balade d’Anthony. Il va falloir que je le porte jusqu’au cinquième étage de mon immeuble. Et puis il va falloir que je prépare mon appartement ! Faut bien les éduquer ces jeunes !

Quelques jours plus tard, j’allai le chercher chez lui, je l’avais prévenu la veille que ce serait le grand jour.

Toc ! Toc ! Toc !

Pablo ouvre.

- « Tu est prêt ?

- Oui.

- Alors allons-y, aujourd’hui tu vas disposer les meubles de ma chambre ainsi que faire la poussière dans toutes les pièces, passer l’aspirateur, nettoyer la cuvette des WC... »

Quoi ! Nettoyer les WC ! ! Non mais ça va pas ! ! Je vais pas le faire, elle peut se tâter ! En plus il est où son appart pourri ? Tiens, on va passer au pied de l’immeuble de la blonde… Mais… On y entre ! Au début je trouve ça génial mais finalement… Ne va-t-elle pas m’obliger à m’excuser ? L’horreur ! La honte ! Non, pitié, pas ça ! Je n’ai aucune chance naturellement avec la déesse alors si en plus elle me prend pour un con obsédé ! Ho mon dieu, je vois mon reflet sur l’aluminium de l’ascenseur, quelques boutons, un gros nez, des lunettes, les cheveux tout raplapla, des baskets qui baillent à l’avant. Puis je regarde la vieille, sa robe à grosses fleurs sur ses grosses fesses, une ceinture trop serrée qui lui boudine le ventre, de grosse mamelle tombante. Si on me voit avec elle, c’est la fin !

Nous montons dans l’ascenseur, cinquième étage ! Non pitié ! Si elle sort ses clefs et entre dans l’appartement de la blonde… Finalement je suis ptèt' un peu heureux… elle a peut-être un décolleté et une minijupe… la lave se remet à fusionner dans mes veines ! Il faut que je cesse de penser à elle !

L’appartement de la vieille et de la blonde est horrible, pas du tout comme je l’imaginais, en entrant je passe devant la sonnette, sous un petit plastique transparent sur lequel je peux lire « Angela Martz et Béatrice Merkel » sur des papiers roses, écriture jaune, le point du i en forme de petite fleur… étonnant par rapport à l’appartement ! Les murs tapissés de tissus gris, accrochées à ces tissus des photos de poumons moisis. Tout était sale, la vaisselle pas faite… et je commencai à imaginer les toilettes ! Mais rien de tout cela ne concorde avec l’étiquette de la sonnette. Cette appartement était gris, sombre, froid et sale à l’image de la vieille. L’affreux petit chien était en train de grogner sous le canapé quand il en sortit avec dans sa gueule…un DOIGT !!

- « HAAAA ! Espèce de sorcière » ! Pendant que je regardais le chien, elle en avait profité pour fermer la porte à clef ! Impossible de me sauver !

- « Viens avec moi dans la cuisine, nous allons boire un verre. » Hinhin.

Un filet de bave lui coule encore sur le menton mais pire, maintenant j’ai l’impression qu’elle me regarde comme si j’étais de la bouffe !

- Heu non merci, je n’ai pas soif !

- Tu as sûrement faim alors ? Pasque moi oui !

- Non merci ça va aller !! Je commence à m’affoler.

- Mais viens quand même, je vais avoir besoin de toi, tu vas me monter…

- Quoi ! Vous monter ?!

Elle reprend son souffle

- Me montrer quelle est ta force.

- Ha. »

Je suis sûr qu'elle veut me faire des trucs ! Elle n’a jamais eu d’amant, elle recherche un jeune qui ne puisse se débattre !! Au secours !! Et après, elle me tuera ! Et son chien me mangera ! Pitié ! Non, allez je dois garder mon sang froid devant elle. Ne pas claquer des dents.

Je la suis quand même dans la cuisine, si elle pense que je pense que je suis le plus fort peut-être pensera-t-elle que je le pense vraiment (être le plus fort !) et peut-être aurai-je une chance.

- « Assieds-toi !

Je m’assieds.

- Je te sers un jus d’orange ok ?

Surtout paraître décontracté !

- Ok. »

Elle se retourne, commence à verser puis se retourne brusquement avec un couteau.

- « Haaaa !!! ». Je cours dans le salon, trébuche sur le chien, me rattrape à une draperie qui s’arrache et laisse voir un mur blanc avec des pois multicolores mais je n’y prends pas garde. Je me retourne sur le dos car j’entends ses gros pas lourds qui arrivent, elle a toujours le couteau en main, elle se penche vers moi et pointe vers moi le c… Oupsss, sa main ! Je comprends trop tard qu’elle voulait m’aider, je lui donne un coup de pieds dans sa grosse bedaine, ça casse sa ceinture, un coussin tombe de sous sa robe. Nous nous regardons.

*

Je vois dans ses yeux qu’il a compris la supercherie, mon faux ventre est tombé à cause de son coup de pied ! Il a dû penser que je voulais l’égorger ! L’imbécile ! Est-ce que je lui dis toute la vérité ou pas ? A l’évidence je n’ai pas le choix…

Je commence à enlever ma fausse verrue puis ma perruque, ma chevelure blonde tombe en cascade. Il me regarde éberlué. J’enlève tout mon déguisement. Je balbutie.

- Heu…Salut ! Je tente de lançer avec enjouement.

Il me regarde avec des yeux ronds. Je tente de sourire. Fasse qu’il réponde, que je ne l’aie pas choqué au point qu’il ait perdu la parole.

- Non mais, ça ne va pas ! T'as tenté de me tuer ! Mais t’es qui !!? Et pourquoi tu étais en vieille ? Et la blonde c’est toi ?? Pourquoi tu es dans son appart ?

- Heu en fait non… c’est ma grande sœur, elle à vingt-et-un ans. On est dans son appart. On n'a pas le même nom, ni le même père !

- Et pourquoi tu es en vieille ?

- Je fais du théâtre, je rentrai d’une séance quand tu m'a éjaculé dessus. Et je n’ai pas tenté de te tuer !

- Pourquoi tu m'as fait croire tout ça ?

- Il fallait bien que je me venge et ma sœur aussi ! Tu t’es branlé en la regardant ! Alors on a décidé de te faire travailler dur !

- Ha sympa ! Ca vous fait plaisir de vous moquer des gens ??

Le rouge me monte aux joues, je hurle ma colère :

- Nan mais attends, tu te permets de me faire des réflexions alors que toi, tu es un gros pervers !! »

Je lui balance mon pied dans ses… enfin vous voyez quoi !? Ses boules !

Il se plie de douleur, couine, pleurniche.

- Ooopsss ! Je suis désolée !!! Je m’agenouille et le prends par les épaules. Tu veux de la glace ?? Quelque chose ??

Il lâche une sorte de gargouillement.

- Qu’as-tu dit ??

- Un bisou… essaie-t-il de dire.

Je soupire, nan mais les mecs !!!

- Un bisou pour te faire pardonner. Râle-t-il.

Je l’embrasse sur la joue.

- Encore… Râââ... maleuuuu.

Je vais pour l’embrasser de nouveau mais il m’attrape le visage, m’embrasse sur la bouche. M’ouvre la bouche avec sa langue. Met sa langue dans ma bouche ! Beuurkk ! Beuummmhh ! Mmmh ! En fait, ce n’est pas si crade, c’est même plutôt bien ! Il me colle à lui, je sens un truc dur contre mon bas-ventre, il soulève ma jupe. Je déboutonne son pantalon, son autre main passe sous mon corsage.

***

J’ai trente ans de plus. A présent, j’ai quarante-six ans, mon pauvre Pablo, lui, aurait eu quarante-huit ans. Malheureusement, il est mort écrasé par un piano. De lui, il me reste un perroquet qu’il m’avait offert et qui me dit les petites phrases qu’il me susurrait. Mais bon, maintenant j’ai un chien avec une énorme langue ! Ça compense.

CN
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