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D’une vie à l’autre

Comme tous les jours Béatrice Merkel part de chez elle en direction de son travail loin du 13e arrondissement de Paris là où elle habite. Arriver dans la banque où elle est conseillère clientèle, c’est un peu la routine, elle fait quelques placements, renseigne quelques clients inquiets et voilà la journée est finie, il est dix-sept heures. Elle n’a pas d’enfant à aller chercher à l’école, ni de mari qui l’attend à la maison car elle vient de divorcer, cela faisait dix ans qu’ils étaient ensemble, elle avait des amants et son mari la découvert. Maintenant elle n’a plus envie d’avoir une vie de couple et à envie d’être libre, et elle n’a pas envie de rentrer chez elle. Donc comme tous les soirs elle va dans le bar du coin où elle retrouve ses amis de droite, elle commande sa petite vodka quotidienne, et c’est toujours la même conversation l’augmentation des impôts, qui selon elle est dûe aux immigrés qui arrivent en France, qui s’entassent dans les banlieues en attendant qu’on leur apporte de l’argent, et qu’ils soient régularisés, aux personnes dans le besoin qui ne cherchent pas à s’en sortir. Et bien sûr il y a des nouvelles de Sarkozy et de la droite.

Mais en ce moment ça ne va pas très fort elle sort de son divorce et ça c’est plutôt mal passé, son ex-mari n’arrête pas de la harceler, il veut récupérer l’appartement et il lui mène la vie dure. Dans son travail ça ne va pas fort non plus. La banque perd de plus en plus de clients et cela n’arrange pas ses affaires.

Mais voilà le 11 novembre, Béatrice Merkel fait un mauvais placement, elle en parle à son patron qui lui dit que ce n’est pas très grave, elle ne fait donc pas attention. Mais voilà quelques jours plus tard lorsqu’elle arrive à la banque, elle voit des huissiers de justice parler avec son patron, au début elle ne comprend pas pourquoi ils sont là, mais très vite elle se rappelle le mauvais placement. Les conséquences sont énormes, Béatrice est renvoyée sur-le-champ pour faute professionnelle grave. La banque ne peut pas payer toutes les dettes et est donc obligée de fermer. Par conséquent tous les employés de la banque sont licenciés. Béatrice est poursuivie par la justice, elle est interrogée par la police, elle avoue son mauvais placement mais précise que son patron était au courant et qu’il lui avait dit que ce n’était pas grave. Béatrice est relâchée le lendemain matin, la police continue son enquête et apprend que le directeur de la banque détournait de l’argent et que le mauvais placement n’était qu’un prétexte pour continuer ses affaires frauduleuses.

N’ayant plus de travail elle est obligée d’aller habiter autre part, ne pouvant plus payer son loyer. Elle recherche un appartement sur Paris mais les loyers sont trop élevés, elle n’a pas le choix elle doit trouver une solution à ce problème. Et la seule solution est d’aller habiter là où elle n’aurait jamais pu l’imaginer, son pire cauchemar, dans une banlieue. Au début un peu sceptique d’aller y habiter, elle se met à l’évidence qu’il n’y a pas d’autre choix. Elle trouve donc un logement dans une banlieue assez calme, mais pour elle une banlieue c’est une banlieue même si elle a une bonne réputation. Elle est pour la première fois de sa vie au chômage, va s’inscrire à l’ANPE, et pour elle c’est une honte. Elle se retrouve malgré elle à la place des personnes dont elle se moquait auparavant.

Au début, elle est très hautaine envers les habitants de la banlieue car elle n’arrive pas à accepter sa nouvelle situation, elle ne sort pas de chez elle, fait une petite dépression. Elle a peur qu’on la reconnaisse et que l’on se moque d’elle comme elle le faisait auparavant envers eux. Mais un matin en se levant elle décide de sortir de son appartement et d’assumer ce qu’elle est. Elle sort promener son chien, Zarko comme elle le faisait auparavant, mais au début elle est mal à l’aise, trouve que tout le monde la regarde comme si elle était une intruse et qu’elle n’a rien à faire ici, mais bien sûr ce n’est qu’une illusion, une idée qu’elle s’est mise en tête.

Elle marche tranquillement dans la rue avec son chien et regardant autour d’elle, elle voit toute la misère dans laquelle ces personnes vivent, les parcs mal entretenus, les jeunes errant dans la rue car ils ne trouvent pas d’emploi, les immeubles sont délabrés, il n’y a même pas des structures pour les enfants et c’est en voyant tout cela qu’elle a un déclic, elle se rend compte que rien n’est mis en œuvre pour aider ces personnes à s’en sortir.

Au fur et à mesure que les mois passent, elle se prend d’amitié avec toutes ces personnes. Très touchée par leur détresse, elle décide de s’engager dans une association pour y apporter son aide, c’est une association qui s’occupe de la réinsertion des jeunes des banlieues dans la vie active et qui aide les familles dans leurs difficultés. Les personnes de l’association l’ont tout de suite acceptée pour ses compétences, Béatrice Merkel est devenue secrétaire, animatrice pour accompagner les jeunes dans leur démarche et aide les personnes qui ont des problèmes financiers. Elle est très contente, se sent enfin utile et est heureuse d’aider ces jeunes qui en ont tant besoin.

Aujourd’hui elle accompagne pour la première fois un groupe de jeunes à un forum des métiers, les jeunes sont un peu stressés mais elle sait les rassurer. Ils entrent tous dans le forum, elle leur donne des petits conseils pour être plus à l’aise lorsqu’ils vont parler aux patrons qui sont présents puis les laisses tout seuls en gardant tout de même un œil sur eux. Mais à un moment dans les allées elle aperçoit au loin ses anciennes amies qui étaient comme elle avant et qui n’ont pas changé, le problème c’est que Béatrice leur a menti, elle leur a dit qu’elle était retourné en Allemagne pour aller au chevet de son père malade, elle avait honte de leur dire qu’elle habitait en banlieue. Mais bien sûr aujourd’hui elle regrette et voilà qu’elle les rencontre là, à ce forum où elle accompagne ces jeunes dont elle n’acceptait pas la présence avant. Voilà qu’une de ses amies l’a reconnue et s’empresse de venir vers elle, Béatrice fait comme si elle ne l’avait pas reconnue. Mais son amie lui tape dans le dos et Béatrice fait comme si elle était heureuse de la retrouver, elle lui donne des fausses nouvelles de son père mais tout d’un coup un jeune qu’elle accompagnait l’appelle, elle fait comme si elle ne l’entendait pas mais son amie lui fait remarquer qu’il y a un « banlieusard », encore un de ces jeunes qui viennent ici pour faire mine de chercher un travail, « une racaille ». Béatrice en entendant cela, se met hors d’elle, elle lui avoue tout, qu’elle habite dans une banlieue qu’elle s’y sent très bien, qu’elle travaille dans une association pour aider les jeunes a trouver un emploi et que toutes les idées qu’elle avait avant étaient fausses, que ce ne sont pas des « banlieusards » ou des « racailles » mais des personnes comme toutes les autres, qui sont dans le besoin, qui ont des difficultés à cause de personnes qui comme elle n’en ont rien à faire des autres. En entendant cela son amie se vexe et part lui disant qu’elle fait une grosse erreur. Béatrice ne fait pas attention à ce qu’elle lui dit et va voir le jeune qui l‘appelle, puis c’est la fin du forum, les jeunes sont très contents, ils ont tous eux des renseignements sur les métiers qu’ils voulaient et certains des entretiens d’embauche. Béatrice les ramène chez eux puis rentre chez elle en ayant le sentiment d’un devoir accompli.

Quelques jours plus tard elle reçoit un coup de téléphone de son père car il a appris dans quelle situation elle était, on ne se demande pas par qui. Son père lui propose de l’argent pour qu’elle retrouve un bon logement et cherche un travail, mais elle refuse, elle lui dit qu’elle n’a pas besoin de cet argent qu’elle se sent bien là où elle est et qu’elle n’a besoin de rien d’autre. Cependant son père insiste et Béatrice après avoir réfléchi accepte et son père est très ravi. Mais ce qu’il ne sait pas c’est que Béatrice n’a pas l’intention d’utiliser cet argent pour retrouver un logement mais elle va le donner à l’association ce qui va lui permettre de faire de nouveaux ateliers et plus d’animation, ouvrir une crèche ou faire du soutien pour les jeunes en difficultés.

Les mois ont passé et Béatrice est toujours aussi heureuse dans sa banlieue, elle y est très appréciée, l’association marche très bien et il y a de plus en plus de jeunes à venir s’inscrire pour s’en sortir. Mais voilà l’association a quelques petits soucis, les locaux deviennent trop petits, le personnel manque et elle a besoin de plus d’argent, donc Béatrice décide d’aller voir le Maire pour lui en parler, très heureux de l’accueillir, il trouve cette idée d’association très bien et est très content qu’une association comme cela s’occupe des personnes dans le besoin et en difficulté. Béatrice lui parle un peu de l’association et finit par aborder les problèmes qu’elle a et il se trouve coopératif et lui promet qu’il va trouver une solution dans les semaines à venir. Béatrice et toute l’association sont très contents de la réponse du Maire et attendent de ses nouvelles avec impatience. Ça y est le Maire à enfin donné réponse et il a réussi à trouver de l’argent et l’offre donc a l’association. Béatrice est très heureuse de ce qu’elle a accompli dans cette association, les jeunes trouvent plus facilement un travail, les familles ont moins de difficultés leur vie quotidienne a été améliorée.

Cela fait maintenant cinq ans que Béatrice vit dans cette banlieue et elle s’y plaît beaucoup mais voilà elle pense qu’elle a fait ce qu’elle avait à faire ici, que tout le monde n’a plus besoin d’elle et donc elle décide de partir pour s’installer dans une autre banlieue et de créer sa propre association pour continuer dans sa démarche, car après ce qu’elle a fait ici elle est très demandée.

Tout le monde est triste mais elle leur promet de revenir bientôt et qu’elle serait toujours là s’il y a quoi que ce soit, s’ils avaient encore besoin d’elle.

Béatrice a maintenant créé plusieurs associations. Et aujourd’hui, c’est le jour d’une petite fête qu’elle fait en faveur des banlieues. Les jeunes et les familles qu’elle a aidés viennent témoigner de ce qu’ils ont vécu. Béatrice est aujourd’hui heureuse de ce qu’elle a accompli. Tout est bien qui finit bien…

BB
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