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Piégée...

Je m’appelle Béatrice Merkel, je suis conseillère clientèle dans une banque. J’habite vers la place d’Italie dans le 13e arrondissement. Lorsque j’ai fêté mon cinquantième anniversaire, l’année dernière, j’avais organisé un dîner entre amis, il y avait très peu de célibataires, j’ai vraiment ressenti un manque affectif quand je les voyais se cajoler.

C’est à leur départ que j’ai pris conscience qu’il fallait que je me ressaisisse, depuis mon divorce il y a un peu plus de cinq ans aujourd’hui, je n’ai eu aucune histoire sérieuse.

Je me sentais seule, chez moi je n’étais accompagnée que par un chat puisque je n’ai malheureusement pas eu la chance d’avoir d’enfants.

Cette petite remise en question m’a fait comprendre qu’il me fallait trouver quelqu’un, que je ne voulais pas finir mes jours sans une personne que j’aime à mes côtés. Mon problème était que je ne connaissais aucun homme de mon âge célibataire dans mon entourage, ou aucun « d’intéressant ». Je ne me voyais pas non plus arpenter les rues à la recherche de ma future moitié.

Après y avoir longuement réfléchi, j’avais décidé d’aller sur un site de rencontre.

Je sais ce que vous allez penser « Mais elle ne sait pas ce qu’elle fait » ou encore « Mais elle est folle », à cela je répondrais que oui, il y a en moi une part de folie pour avoir eu une idée pareille, mais comprenez-moi cinq ans que j’étais seule, que je mangeais seule, que je dormais seule, cette solitude affectait véritablement mon moral.

De plus, mon amie Aurore a rencontré son concubin André sur internet et aujourd’hui ils sont très heureux, donc je me suis dit à ce moment : « Béa tente, qu’as-tu à perdre ? »

Si seulement j’avais su…

Il y a un peu moins de onze mois, je me suis donc inscrite sur le même site que mon amie. J’ai discuté avec des tas d’hommes me paraissaiet fort douteux, cependant un est sorti du lot.

Il s’appelle Claude, il a cinquante-deux ans, il est avocat. Nous avons beaucoup beaucoup parlé, au fil des jours, puis des semaines, je commençais véritablement à m’attacher à lui, il me comprenait, essayait de me découvrir, s’intéressait à moi, à mon passé, me questionnait aussi beaucoup par rapport a mon ex-mari. J’aurai dû trouver ça suspect, mais j’ai juste pensé qu’il faisait partie des hommes corrects, respectueux, compréhensifs et attentionnés qui existent encore sur terre.

Au bout du deuxième ou troisième mois de correspondance, j’ai voulu le rencontrer. Il était aussi charmant que je le pensais. Nous sommes sortis, nous avons été au cinéma, au restaurant. Il était, comment dire ? ... « Génial », oui c’est le terme qui convient, c’était comme si nous nous connaissions déjà depuis des années. Nous nous sommes revus à la suite une à deux fois par semaine, puis après presque tous les jours, j’en suis tombée amoureuse, notre relation était celle que je rêvais depuis mon célibat.

Un jour où je devais le rejoindre chez lui, j’avais tellement envie de le voir que je suis arrivée en avance, et devinez quoi, devinez qui j’ai vu sortir… vous ne trouverez jamais, je sais à qui vous pensez « une femme », je crois que j’aurais préféré cette version-là… mais ce ne fut pas le cas, la personne que j’ai vu sortir était mon ex-mari, j’en suis restée abasourdie, paralysée, je ne comprenais pas ce qui était en train de se tramer.

J’ai imaginé sur le coup qu’il n’appréciait pas ma romance avec Claude et qu’il était venu lui dire de me quitter ou quelque chose de ce genre, j’ai pensé à tout sauf à ça…

Après avoir repris mes esprits, je lui ai demandé la raison de sa présence ici… lui et mon ami se sont regardés, d’un regard complice, j’ai alors compris qu’ils se connaissaient mais j’espérais tout de même que non, je voulais me cacher la vérité. James m’a alors expliqué la situation : il n’avait pas apprécié que je le quitte après son infidélité, il en avait beaucoup souffert, m’a-t-il dit et il voulait qu’à mon tour je souffre, il a alors monté un coup avec son collègue de travail « Claude » qui se nomme en réalité « Peter », je n’en croyais pas mes oreilles, je regardais mon compagnon dans les yeux pour vérifier si mon ex-mari mentait, j’avais devant moi un autre homme, sans pitié, puis James reprit :

« Peter devait faire semblant de s’attacher à toi, il devait tout faire pour que tu en tombes raide dingue, je pense qu’il a réussi d’ailleurs, dit-il en souriant avant de poursuivre

- Mais tu as tout gâché en venant aujourd’hui, on te préparait quelque chose qui t’aurait vraiment anéantie.

- Quelque chose ? demandai-je d’une petite voix.

- Oui disons, ma chère Béatrice, que tu m’aimais tellement que tu aurais tout fait pour ne pas me perdre, je devais donc te faire quitter la ville en te faisant croire que j’étais muté dans le sud, je sais que tu m’aurais suivi et en faisant cela tu aurais perdu ton emploi. Avant de me rencontrer tu étais déjà seule mais au moins tu travaillais, seulement là tu n’aurais plus rien eu, tu aurais été encore plus seule », m’expliqua Claude ou Peter, je ne sais plus comment l’appeler, puis s’adressant à James :

« Alors on fait quoi ? Je n’ai pas été au bout de ton projet mais j’ai quand même le droit à la moitié de la somme convenue non ?

- Alors tout n’était qu’une question d’argent entre nous ? » finis-je par dire.

Je sentis que les larmes me montaient aux yeux et avant qu’ils ne me voient pleurer, je suis partie le plus calmement possible pour qu’ils ne pensent pas tous les deux que leur mascarade m’avait touchée …

Depuis ce jour, je suis à nouveau seule chez moi avec mon chat, je suis encore plus renfermée sur moi-même, je n’ai plus confiance en personne, même en mes amis…

J’ai voulu écrire ce passage de ma vie pour vous, mesdames, messieurs, pour que vous ne vous fassiez pas avoir comme ce fut mon cas récemment, j’étais sûre de moi, j’étais sûre que cet homme était parfait comme je l’avais été aussi une vingtaine d’années plus tôt pour mon ex-mari, à chaque fois que je ne doute pas, que c’est une évidence pour moi, j’en souffre, donc voilà ce que je voulais vous dire : méfiez-vous de tout le monde, ne tombez pas si rapidement dans le piège des sentiments, soyez forts et prudents…


EJ
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