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Ding … Dong !

C’était un matin noir, au cœur de Paris, dans une petite rue du 13e arrondissement ; Béatrice Merkel venait de se faire réveiller par son chien Hector qui lui avait imbibé sa taie d’oreiller d’une bave gluante et nauséabonde. Dès qu’elle ouvrit les yeux, l’idée lancinante revint : elle était fraîchement divorcée ! Allant à la cuisine, elle avait machinalement allumé le poste de radio avant de remplir la gamelle de son chien avec du marc de café… Se dirigeant ensuite vers la fenêtre, elle l’avait entrouverte, non pas pour, comme par habitude, y déposer les miettes de pain pour les moineaux, mais pour y vider le contenu de son cendrier plein de mégots…


- « Petits, petits, petits, c’est l’heure du déjeuner ! » avait-elle lâché aux oiseaux avant de refermer soigneusement la poignée sans se rendre compte de l’absurdité de son geste. Et elle poursuivit cette matinée de femme « déconnectée » en étalant du beurre sur un prospectus vantant les mérites d’une croisière de luxe.

Depuis qu’elle avait surpris son mari avec sa secrétaire dans son propre lit, elle vivait dans cet état second, mêlant rêve et réalité, effectuant les tâches de la vie quotidienne comme un automate défaillant.

Soudain, la sonnette retentit, faisant sursauter Béatrice. Elle se dirigea lentement vers la porte d’entrée, si bien que lorsqu’elle arriva devant, une deuxième sonnerie la fit de nouveau tressaillir. Elle entrouvrit la porte et marmonna :

- « C’est pour quoi ? ».

Devant elle, immobile, se tenait François, son ex-mari, à peine visible derrière un énorme bouquet de roses rouges. Béatrice, les yeux soudainement écarquillés et la bouche ouverte, venait de retomber lourdement sur terre. Le silence pesant qui s’était installé fut vite rompu par les battements de queue d’Hector qui reconnaissait son maître.

- « Je t’en prie … pardonne-moi ! Ma… ma vie sans toi n’est rien… tu me manques, j’ai… »

Lui prenant le bouquet des mains et le jetant au sol, Béatrice l’embrassa passionnément, oubliant presque instantanément ces quelques mois de souffrance.

- « Viens » lui dit-il avec ardeur. « On recommence tout, j’ai fais une erreur en te quittant, j’ai contacté mon avocat, le divorce est annulé, il faut juste ta signature, j’ai besoin de toi, on s’en va, loin, loin…»

Béatrice, étourdie devant tant de fougue, ne put résister. Il lui prit la main, et sans réfléchir, ils dévalèrent les escaliers, abandonnant Hector, dubitatif, sur le palier désert.

Déboulant sur le trottoir, Béatrice poussa un cri de stupeur en découvrant un cabriolet blanc flambant neuf qui semblait n’attendre qu’eux. François, galamment, lui ouvrit la portière et elle s’installa, admirant les matériaux luxueux du véhicule. Il démarra en trombe et poursuivit sa route à toute vitesse, enchaînant des virages serrés dans les rues parisiennes. Soudain, il stoppa net la voiture devant la vitrine du magasin le plus chic de la capitale. Sous les yeux émerveillés de Béatrice, s’étalaient les plus belles robes de mariées qu’elle n’avait jamais vues, ce n’était que pierres précieuses, dentelles et satin. Pendant plus de deux heures, elle essaya de nombreuses tenues, toutes plus chères les unes que les autres, alors que François, de son côté, passait de magnifiques costumes. Béatrice fixa son choix sur une robe entièrement incrustée de diamants, la transformant en une véritable cascade ruisselante de lumière. Elle agrémenta sa toilette d’une paire de gants en satin blanc et d’un voile de dentelle immaculée. François la découvrit ainsi et, subjugué par sa beauté, lui reprit délicatement la main. Avec l’aide des vendeuses, il installa sa future femme précautionneusement sur le siège avant du cabriolet. Décidé, François redémarra en direction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Arrivé sur le parvis, il prit le bras d’une Béatrice resplendissante et ils se dirigèrent ensemble vers la lourde porte cloutée de l’édifice. Une pénombre les accueillit, et tous les regards des fidèles recueillis se tournèrent vers eux, étonnés. Le prêtre, interrompu dans son sermon, attendit patiemment que les amoureux, suivis par les regards interrogatifs de la foule, arrivent devant lui pour demander :

- « Que puis-je faire pour vous, mes enfants ? »

- « Nous marier, mon père ! » répondit François, en souriant.

- « Bien sûr » répondit le prêtre, contre toute attente.

Ces mots tombèrent dans un silence étonné, puis, un applaudissement se fit entendre, timide, suivi d’un autre, et c’est bientôt une foule rieuse et joyeuse qui acclama le couple. La messe fit alors place à une cérémonie de mariage, il y eut échange de promesses, d’anneaux et de baisers. C’est alors qu’accompagné par les chants des fidèles et sous une haie d’honneur, François et Béatrice descendirent lentement la nef. Bientôt, les cloches se mirent à sonner, saluant le joyeux événement. Diling ! Ding ! Dong ! Diling ! Ding ……….. DING ! DONG !

Béatrice entrouvrit les yeux, le son des cloches résonnant encore à ses oreilles. DING ! DONG ! Après quelques secondes d’hésitation, elle reconnut sa chambre. DING ! DONG ! La sonnette, insistante, retentit une nouvelle fois. Soudain, Béatrice reconnut les taches de bave de son chien sur ses draps et son cœur se serra. DING ! DONG ! Enfin, elle se leva précipitamment et, courant presque, atteignit la porte d’entrée. Elle l’ouvrit pour découvrir son ex-mari, toujours à peine visible, mais cette fois, dissimulé derrière un énorme carton. Abasourdie, Béatrice le contemplait, statufiée.

- « J’te ramène quelques affaires… çà m’encombre… dé… désolé... Adieu… »

Et le silence pesant qui s’était installé fut vite rompu par les battements de queue d’Hector qui reconnaissait le dos de son maître, s’éloignant définitivement.



AM
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