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Puzzle chronologique et gastronomique

Midi habituel !
Les douze coups de midi sonnèrent du gigantesque clocher Saint-Nicolas à Paris. Dans les rues, comme tous les midis, une odeur de bons petits plats soigneusement mijotés par des chirurgiens de la gastronomie flottait dans l’air frais de l’hiver. Un mélange d’éclats de rire, de discussions et d’entrechoquements de verres montait au dessus des toits. Cette forte convivialité, habituelle, réchauffait non seulement les cœurs des travailleurs courageux, mais aussi les corps engourdis par le froid et par le vent hivernal. Sortant de la Banque nationale de France, une personne s’apprêtait à braver le grand froid, comme à son habitude. Sous un épais manteau de fourrures et un monticule d’écharpes, une femme, ni trop jeune, ni trop vieille, ouvrit la porte vitrée et s’élança dans la rue glacée, comme tous les midis. Soudain, une voix masculine grave tonna de l’intérieur :

« Béatrice, pourrais-tu m’attendre, s’il te plait ?

- Oui, oui, je t’attends Jean-Michel, ne t’inquiète pas ! répondit une voix très douce. Je t’attends sur le trottoir, comme d’habitude !

- Où mangeons-nous aujourd’hui ? Au restaurant ‘’Les Arcades’’ ? Au restaurant de ‘’Paris-ci’’ ? Ou alors allons ‘’À l’assiette Parisienne’’ ? Lequel préfères-tu ? demanda la voix grave.

- Allons ! ‘’À l’Assiette parisienne’’, pardi ! Nous y mangeons tous les jours ! décida-t-elle.

- C’est vrai ! »

Le collègue de Béatrice enfila son manteau, ajusta son écharpe et se couvrit d’un bonnet.

À peine avait-il ouvert la porte, Béatrice s’exclama :

« Attends-moi ! J’ai oublié les clés de la banque dans mon bureau ! Je vais les chercher !

- Oui, comme d’habitude, je t’attends, dépêche-toi, j’ai envie de manger ! » En effet, comme pour témoigner, son estomac se mit à grogner.

Dans la banque, on pouvait entendre une multitude de tiroirs être tirés et de chaises déplacées. En signe de victoire, un cliquetis de clés résonna dans le couloir.

« C’est bon, je les ai ! cria-t-elle après avoir fouillé dans le tiroir de son bureau. Et puis, nous avons le temps pour manger ! Notre heure et demie habituelle nous suffira largement ! »

Après avoir fermé la porte à quadruple tour, pour conserver sa manie habituelle, les deux silhouettes s’avancèrent dans la rue vers la terrasse déserte d’un restaurant. Sur le auvent, on pouvait lire « À l’assiette Parisienne ». Sur l’une des vitres, un tableau noir affichait le menu du jour, d’avant, d’hier, d’aujourd’hui, de demain et d’après :

« Salade de tomate d’emmental et de lardons
Ou
Soupe de poisson avec ses croûtons, son gruyère râpé et sa sauce rouille

Steak de bœuf français avec sa garniture de frite et sa sauce campagnarde
Ou
Brochet pêché dans la Loire et sa sauce au beurre blanc avec son riz pilaf et sa rondelle de citron

Assiette de différents fromages des régions et terroirs français
Ou
Choix de différentes parts de gâteaux ou de différents desserts. » Lit à voix haute Jean-Michel, comme toujours en insistant sur ces choix habituels.

- Quelle bonne odeur ce fumet ! Le repas sent très bon, cela m’a toujours donné faim ! s’exclama Béatrice.

- Ce menu est succulent, comme tous les jours ! Tiens, le prix n’aurait-il pas baissé depuis hier ? C’est incroyable ! Il ne coûtait pas cinquante-deux francs ? demanda Jean-Michel agréablement surpris.

- Oui, c’est vrai ! C’est extraordinaire, maintenant le repas coûte cinquante francs ! Cela nous permettra de boire un café ! Ils ne coûtent que trois francs !

- Bon ! Arrêtons là de parler de la baisse du prix ! Allons plutôt manger ! »

La clochette de midi sonna, les deux collègues entrèrent dans l’atmosphère chaleureuse et bruyante d’un restaurant, comme toujours presque plein.

« - Vous avez une table deux places, s’il vous plaît ? demanda la banquière à un serveur sous une montagne de plateaux.

- Au fond, à droite du bar, près des toilettes ! Vos places habituelles ! montra le serveur avec un regard fatigué.

- Merci ! » s’exclama Béatrice enthousiaste au serveur qui avait déjà disparu au fond du restaurant.

Les deux banquiers enlevèrent leur centaine de couches de vêtements sur les humbles chaises en bois avec de la paille en guise de coussins. Béatrice est une femme d’une quarantaine d’années, voire une cinquantaine de printemps ou d’hivers. Elle est plutôt maigre, ni trop grande, ni trop petite, quelconque. Elle a des cheveux blonds, ondulés et tombant jusqu’aux épaules. Ses yeux sont d’un bleu marin, ils se marient très bien avec son nez fin et sa peau d’une pâle blancheur. Jean-Michel ressemble beaucoup à sa collègue, mais ses cheveux blonds sont trop courts pour être ondulés. Il a aussi une barbe mal rasée qui s’étend sur le tour de sa bouche. On pourrait penser qu’ils sont de la même famille. Concentrés sur le menu, les deux collègues choisissaient en secret leur repas. Une jolie serveuse en jupe rouge, Rosalie leur serveuse habituelle, leur demanda ce qu’ils voulaient prendre. Sortant un crayon et un bloc-notes de sa poche, elle recopiait en souriant et en acquiesçant ce que dictait ses clients. Chacun des affamés prirent la même chose du menu à cinquante francs : la salade composée, le brochet avec son riz, et en dessert une mousse, caramel au beurre salé fait maison. Le seul changement notable était que le menu coûtait deux francs en moins. La serveuse s’avança vers une fenêtre donnant sur la cuisine, y posa la volonté de différents clients et s’en alla s’occuper d’une autre table. Et elle y répéta le même rituel.

Après une vingtaine de minutes d’attente, on leur apporta l’entrée et le plat de résistance habituel. En dégustant le délicieux fruit du labeur des artistes de la cuisine, et en appréciant chaque bouchée avalée, les deux personnes discutaient de tout et de rien. Après avoir fini le dessert, les deux banquiers demandèrent un petit noir et l’addition. Ce repas exquis ne leur coûta que cent-six francs, et en guise de pourboire Jean-Michel sortit un franc, comme tout le temps, qu’il déposa sur la table. Jean-Michel rangeait sa monnaie, et pendant ce temps-là, Béatrice fixait la montre qui ornait son poignet droit. Cette montre, qui lui avait été offerte lors de son anniversaire, indiquait treize heures et dix-neuf minutes. Cette montre était aussi le moyen de calmer sa chronophobie. Cette maladie l’obligeait de regarder l’heure toutes les cinq minutes. Il fallait rouvrir la banque à une heure quarante-cinq. Ils avaient encore le temps !


Retour de souvenirs

Ils arpentaient la rue pour retourner à la banque, ils parlaient de leurs souvenirs :

« - Tu te souviens de notre maison qui étaient près de Francfort ? demanda Béatrice d’une voix grave et soucieuse, en chuchotant et en regardant aux alentours pour ne pas être écoutée.

- Oh oui ! Je ne pense qu’à ça, murmura t-il ! Qu’elle était belle ! Tu te souviens du jardin ! On y allait manger des framboises et des mûres ! Elles étaient si sucrées. Il marqua une pause en laissant passer un homme sur le côté ! Et la balançoire, on essayait d’aller le plus haut possible ! s’exclamait Jean-Michel, les yeux pétillant de souvenirs.

- C’est vrai, c’était si bien là-bas ! On s’y était tellement amusé dans cette maison ! » s’exclama Béatrice en versant des larmes ! Mais elle s’essuya rapidement pour que les gens ne le remarquent pas!

Pourquoi pleurait-elle ? Alors que ces souvenirs ont l’air d’être si doux, si beaux et si sucrés ! Peut-être la nostalgie ? Non, plutôt des souvenirs douloureux, pour le savoir, il faut se plonger dans l’histoire de Béatrice Merkel et de Jean-Michel Durant.

En 1919, le 25 novembre, Béatrice naquit à Francfort, dans la maison de ses parents. Une maison luxueuse car son père, qui s’appelait Adolf Hanz était un banquier riche et célèbre de trente ans. Il était à la tête de la Bundesbank von Frankfurt, ce qui signifie Banque fédérale de Francfort. Sa mère, qui se nommait Roberta Merkelassmuss, était couturière avant qu’elle n’accouche. Après l’arrivée de Béatrice, elle devint mère au foyer. Béatrice avait pour vrai nom Judith Hanz-Merkelassmuss. Judith a un rapport avec Jude qui signifie juif en allemand. Ses parents étaient juifs, croyants mais ils ne pratiquaient pas leur religion. Son frère Rudolf, plus connu sous le nom de Jean-Michel est né en 1921. Judith était une très bonne élève et était passionnée par la France, comme sa famille. Son père étant riche, il avait acheté une villa en Alsace, à une trentaine de kilomètres au sud de Colmar, dans la ville de Guebwiller, et une à Pornic, une cité proche de la mer dans la région nantaise. Béatrice, comme son frère, fut rapidement bilingue, elle parlait le français aussi bien que la langue de Goethe. Mais, en plus de cela, son père possédait une luxueuse maison près de Francfort et enfin une très belle voiture noire, une Bugatti type 57. Tout leur réussissait, le travail, les études… Bref leurs vies ! Leur avenir était écrit, l’Europe leur appartenait !

Mais tout se gâta entre 1933 et 1935. Du haut de ses quatorze ans, lors des élections législatives du 30 janvier 1933, alors que Judith soutenait le candidat social-démocrate, le candidat national-socialiste et antijuif, Hitler, gagna les élections. Ce fut un cauchemar pour elle et sa famille, et le début du déclin, le début de leur fin. En juillet 1935, un peu avant qu’Hitler ne promulgue les lois de Nuremberg, le banquier chef de la Bundesbank von Frankfurt démissionna par peur d’être tué ou que l’on tue sa famille, comme le furent certains de ses amis juifs et leurs familles. Il vendit sa maison de Francfort et il emmena sa famille avec lui en Alsace dans sa villa de Guebwiller.

Malheureusement, une nuit, un événement tragique arriva lorsqu’ils furent en Sarre. Ils subirent un contrôle d’identité à un barrage routier, la frontière n’était qu’à un ou deux kilomètres, la pancarte française était si près. Ils pouvaient descendre, faire trois pas et la toucher. Toute la famille fût arrêtée sauf Judith et son frère. Judith, qui avait observé son père conduire lors de moments plus joyeux, parvint à s’échapper à la police avec la Berline. Pendant le contrôle, elle écrasa la pédale d’accélération de la voiture, et ils parvinrent à s’extirper miraculeusement du barrage et à aller jusqu’à la frontière. Elle entendit trois coups de feu, derrière elle, derrière la bugatti. Elle voyait ses parents tomber, avec du sang qui coulait le long de leurs tempes, sur leurs joues qui n’avaient jamais été humides. Elle roula jusqu'à Paris en Bugatti, sans s’arrêter, de peur d’être rattrapée par la police criminelle allemande. Là-bas elle trouva une main secourable auprès de l’association des communistes français. Ces dernières changèrent le nom de Judith et de son frère Rudolf, et aussi leur religion. Grâce à deux personnes qu’ils connaissaient à Paris, ils purent être hébergés jusqu’à leur majorité. Ne manquant pas de richesse grâce à leur père, ils purent suivre des études de comptabilité pour finir banquiers. Ils s’établirent à Paris près de la Place d’Italie. Leur stratagème leur permit de ne pas être inquiétés durant l’occupation. Jusqu’à aujourd’hui, personne ne connaît la vraie vie des ces deux personnes, si ce n’est leur hôte, qui ne semblent être que deux voisins, deux collègues, deux amis. Personne, même pas Jacques Dupont, l’ancien mari de Béatrice qui ne connaît rien de sa précédente femme.

Durant leur marche silencieuse vers la Banque, Béatrice se rappelait ses bons souvenirs, ses parents gentils, toujours prêts à faire plaisir, sa grande maison à Francfort… En elle une bouffée de nostalgie, un puissant désir, une envie forte, un but important commençait à brûler dans son corps. Il fallait qu’elle retrouve la maison où elle était née, où elle avait vécu la fleur de son âge. Une clochette sonna, ce qui la sortit de ses rêves.

La voilà dans la Banque, elle devait reprendre le travail. Cet après-midi une demi-douzaine de clients viendra, comme chaque vendredi, pour des conseils bancaires. Ces quelques clients la séparaient de ses vacances de fin d’année, un mois de congés l’attendait, comme son frère. Ils devaient rattraper les congés qu’ils n’avaient pas pris. Elle était conseillère clientèle dans la banque. Son frère, quant à lui, était conseiller économique, il s’occupait de conseiller les banquiers dans les achats d’actions.


Attention, départ imminent !

Après quatre heures de longues attentes et de travail, les deux conseillers bancaires rentrèrent chez eux en métro. Ils montèrent les escaliers donnant sur la place d’Italie, qu’ils durent traverser pour se rendre au cinquième étage du onze bis Boulevard Vincent Auriol. Après une journée harassante, c’est toujours très dur de monter les cent-onze marches, qu’elle avait comptées un jour pour s’amuser, pour arriver au sixième palier. Malgré la lassitude, l’envie de Béatrice ne s’était pas atténuée, bien au contraire. Elle commença par dire à son frère cadet alors qu’ils rentraient chez eux :

« Tu te souviens de l’adresse de notre maison d’enfance ?

- Non, pourquoi ? demanda Jean-Michel, intrigué.

- J’ai envie de revoir la maison, on pourrait peut-être y retrouver des affaires de nos parents.

- La personne qui avait acheté notre villa a peut-être vendu ou détruit les affaires que nous avions laissées là-bas ! Mais il doit peut-être rester des affaires dans notre maison de Pornic ! J’en suis certain !

- Mais je me rappelle avoir pris les clés de nos villas de Pornic et de Guebwiller ! se souvint Béatrice.

- D’accord ! Où allons-nous d’abord ? questionna le frère cadet.

- Allons d’abord à Pornic pour y prendre des affaires et ensuite nous les ramènerons chez toi et chez moi ! Après nous irons à Guebwiller et enfin à Francfort ! Nous avons un mois, nous avons encore du temps ! Demain nous partons avec la voiture de papa à Pornic !

- Tu connais la route ?

- Tu n’aurais pas une carte de la France, avec les routes ?

- Non je ne crois pas ! Béatrice poussa un soupir. Ah ! J’oubliais que je possède une carte Michelin à dix francs ! On se trouvera sûrement une route pour y aller ! s’exclama Jean-Michel.

- Donne-la ! Paris… Béatrice marque une hésitation, Pornic c’est près de Nantes. Si je me souviens bien des cours de géographie, c’est au bord de la Loire dans la région des Pays de la Loire. Je crois que c’est ça ! récita Béatrice en fouillant dans sa mémoire.

- C’est bon ! J’ai trouvé Nantes, regarde c’est ici ! cria Jean-Michel en posant son doigt sur la carte. Il marqua une pause, il balaya la carte des yeux et déclara, j’ai trouvé Pornic, regarde c’est ici !

- Génial tu as trouvé ! Bon, cherchons un itinéraire pour y aller ! Son doigt fin parcourut une route reliant Nantes à Paris ! A partir de Paris nous devrons pendre la route nationale 23 vers Chartres, ensuite Le Mans, après Angers et enfin nous arriverons à Nantes ! Après il devrait y avoir un affichage qui montre la direction vers Pornic ! Le tout devrait durer cinq heures environ !

- Après il faut traverser Nantes, longer la Loire le long de la rive sud et nous pourrons arriver à Pornic !

- Donc si nous partons demain à huit heures, elle commença à compter dans sa tête, alors à midi nous devrions être sur les bords de Loire entre Nantes et Angers. À ce que j’ai entendu dire, il y aurait de beau paysage là-bas. Nous nous trouverons un bel endroit pour manger ! Si vers une heure on repart, à quinze heures nous serons plus très loin de la villa ! Cela te convient-il ?

- Oui, oui ! Tu prépareras de quoi manger pour demain ? demande Jean-Michel en se grattant la tête.

- Je vais préparer de quoi nous nourrir pour ce soir ! Toi pendant ce temps, vas chercher ta nourriture ! Prend tout ce qui est périssable ! Ce sera ce que nous mangerons là-bas ! Si nous nous préparons bien, ce soir à vingt-et-une heures nous pourrons manger et nous coucher tôt ! cria-t-elle hystériquement.

- D’accord j’y vais ! Je vais chercher de quoi nous nourrir !

- Reviens vers vingt heures si tu es prêt, après avoir tout rangé nous dînerons !

- À tout à l’heure ! »

La porte claqua, Jean-Michel prit ses clefs, entra chez lui pour y organiser un pillage de sa maison.

Sept coups partirent d’une horloge suisse pour atteindre les oreilles des habitants du cinquième étage du bâtiment ! Plus qu’une heure avant de devoir se réunir ! Béatrice s’activa dans la cuisine pour préparer des nouilles Panzanni avec une sauce tomate Buittoni ! Des nouilles qu’elle avait achetées il y a quelques jours dans une épicerie ‘’Trois Francs six sous’’ ! Après elle devait aller préparer ses habits pour leur voyage ! Quelle imbécile faisait-elle ! Pourquoi ne pas avoir pensé à aller là-bas plus tôt ?

Un nouveau coup sonna, dix-neuf heures trente, les pâtes sont cuites, quasiment prêtes à être savourées. La cuisinière du soir enleva son tablier pour se mettre à l’aise. Elle se précipita dans sa chambre, pilla ses tiroirs pleins d’habits de différents magasins sur le lit de la maîtresse de maison. À présent, le lit IKEA était recouvert d’un monticule de robes, de jupes, de sous-vêtements ! Elle sortit une malle, elle la remplit d’habits soigneusement triés et soigneusement pliés. Le clairon sonna à huit reprises ! L’heure du rassemblement avait sonné. La porte d’entrée de la maison de Béatrice s’ouvrit, une montagne de nourriture s’avançait dans la cuisine. Jean-Michel qui portait des conserves de différents légumes dont une demi-douzaine de boîte de petits pois ‘’Au bon grain’’, qui avaient coûtée cinq francs, de la viande congelée procurée au prix de dix francs, des bananes de Martinique, des pommes de Normandie, des oranges de Valence qui variaient entre cinq et sept francs le kilo, des paquets de gâteaux, dont la plupart sont des petits beurres LU à trois francs et trente centimes, des bouteilles d’eaux de sources ‘’Vichy Saint-Yorre’’ à deux francs, des mottes de beurres Président demi-sel à trois francs six sous, trois ou quatre bouteilles de Muscadet de vingt francs et enfin sept ou huit cannettes de bières allemandes achetées à huit Deutschemarks soit environ quinze francs. Il portait non seulement quinze kilogrammes de nourritures, mais aussi deux-cents quatre-vingt douze francs et quarante centimes. Quel économe ce Jean-Michel, normalement ça aurait dû lui coûter trois-cent dix francs et trente-trois centimes ! C’est un vrai génie ! Il n’a pas volé son travail de conseiller économique bancaire ! C’est le seul homme capable de nous donner plus de pouvoir d’achat, sans nous faire travailler plus ! Mais cela signifiait aussi que la maison voisine avait été assiégée et pillée. Le pilleur déposa toutes les aliments et boissons sur une table de chez l’ébéniste du quartier. Jean-Michel, à peine entré, avait déjà disparu. Il revint cinq minutes plus tard, mais cette fois-ci il était recouvert d’un immense panel de vêtements acheté dans un tas de magasins bon marché ! La table étant pleine, il se confectionna un abri de dernière minute : ce fut un canapé qui reçut les vêtements du voleur.

Béatrice et Jean-Michel se tenaient l’un en face de l’autre. La sœur aînée s’épongea le front alors que le frère cadet haletait, comme s’il venait de faire un marathon. La sœur commença hystérique :

« Il faut tout trier ! Et tout ranger ! Va chercher plusieurs glacières ! Je vais t’aider à trier la nourriture !

- D’accord, alors on prend de l’eau, des fruits, de la viande, quelques conserves et des gâteaux ! Choisis ce que tu veux ! dit-il alors que son estomac gargouillait à la vue de tout ces aliments.

- Bon alors je prends ça et ça, souffla-t-elle car elle avait du mal à respirer… Son frère étant parti chercher deux glacières Isotherm, elle triait ce qu’il lui fallait. Jean-Michel arriva avec deux glacières, pillées elles aussi chez le voisin de palier ! Tiens, mets tout ça dedans ! cria-t-elle avec un estomac réclamant de la nourriture ! Moi je vais trier ton linge ! Elle alla dans le salon avec une valise vide en regardant l’heure.

- Bon une fois que les glacières seront remplies, j’irai les mettre dans la voiture de papa !

- Dépêche-toi si tu veux que nous mangions un repas chaud ! J’ai une malle dans ma chambre, tu m’aideras à la descendre ? demande la voix douce de Béatrice.

- Oui, oui ! tonna la voix grave de Jean-Michel. »

Cinq minutes passèrent, la femme de maison bouclait les malles, son frère lui, fermait les glacières. Ce fut le début d’une valse, les mollets des deux voisins n’avaient jamais autant souffert ! Ils avaient dû descendre les glacières, puis monter les escaliers, redescendre l’une des malles, remonter pour aller chercher l’autre malle qu’ils devaient redescendre. Pour une fois, une assiette de pâtes n’avait jamais été aussi succulente ! Neuf coups sonnèrent depuis l’horloge, c’était l’heure du coucher !

À sept heures, les prochains vacanciers se préparaient pour partir. Un bol de café, une séance d’habillement et un toilettage plus tard, le frère et sa sœur se réfugiaient dans la Bugatti type 57 noire ! À huit heure moins le quart ! Une fois que la clé de contact fut tournée, le moteur se mit à ronronner dans le boulevard. Durant la traversée de la place d’Italie, Jean-Michel appuya sur la pédale d’accélération. La voiture cracha un nuage de fumée et aussi un cri sonore. Cela attira les regards de cinq personnes âgées blotties près d’une boulangerie, et d’une personne en promenade ! Huit coups sonnèrent du haut du clocher de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. La Berline noire avalait les kilomètres et atteignit successivement Chartres, Le Mans et Angers.

Midi pointa son nez sur la montre de Béatrice. La Bugatti s’arrêta dans un petit village qui était bordé par la Loire. Le village se nommait Saint-Florent-le-Vieil, un village entre terroirs et Loire. S’avançant dans le bourg, le conducteur trouva un endroit charmant pour manger ! Une table était posée là, entre six arbres. D’un coté, on voyait la Loire qui coulait tel un long fleuve tranquille et de l’autre coté, un champs de vigne qui séparait la table d’une forêt dévêtue. Après un repas frugal, dans un lieu sympathique, le moteur se mit à ronronner de mélancolie, triste de devoir quitter ce bel endroit.

La faim calmée, la Berline noire repartit dans sa course contre la montre ! Il est midi et cinquante-cinq minutes et elle doit arriver à trois heures à Pornic !

À quatorze heures, l’automobile atteignit enfin Nantes. Ils longèrent la Loire, comme ils l’avaient fait depuis Angers ! Au lieu de profiter de la vision des monuments de la cité des Ducs, ils cherchaient la moindre petite trace de leur lieu d’arrivée. Après avoir traversé l’Ile de Nantes, les voyageurs virent enfin le nom Pornic ! Ce nom qu’ils cherchaient depuis si longtemps ! Quelle aventure !



Hospitalité épistolaire

Après une petite heure de route, ils virent enfin la villa qu’ils voulaient visiter. Une maison d’un étage, un toit en ardoise, une partie de la maison en bois, quelques arbres entouraient la maison et enfin un bassin avec une fontaine qui continuait de cracher de l’eau ! La maison avait conservé tous ses charmes, malgré une herbe un peu envahissante. Béatrice se précipita vers ce lieu qui fut celui de ses vacances. Elle voulait y entrer ! La porte grinça ! Judith et Rudolf entrèrent dans la villa. Le petit halo de lumière qui pénétra dans la maison éclaira plusieurs miroirs. La fille des Hanz-Merkelassmuss se hâta d’aller dans le salon malgré l’obscurité ambiante. Le fils, quant à lui, alluma une lampe en pressant un simple interrupteur. Cette illumination banale éblouit la salle dans laquelle ils se trouvaient.

Cette salle où les anciens enfants ont rigolé, pleuré, aimé. Les larmes perlaient des yeux de Judith, et un flot incessant ruisselait le long de ses joues. Rudolf ouvrait les volets pour s’empêcher de pleurer. Rien n’avait changé, rien n’avait bougé ! Les canapés formaient un cercle autour d’une table basse, et un siège était près de la cheminée. C’était celui de leur père ! Des meubles autour avaient des dessus plein de trophées, mais aussi d’un léger manteau de poussière. Tout était pétrifié par le temps, la vie n’y était plus qu’un souvenir incertain ! Les murs étaient tous ornés de photographie et de miroirs ! Rudolf entraîna sa sœur vers les escaliers, il voulait voir la chambre des ses parents. Il ouvrit les volets pour inonder la pièce de lumière ! Telle une clarté divine, la lumière remplit une pièce pleine de souvenirs, comme dans le salon ! Les deux Hanz-Merkelassmuss visitaient un musée, celui d’une villa familiale d’allemands venant sur le littoral atlantique entre 1920 et 1935. Mais deux lettres attirèrent le regard de Judith ! L’une n’était ni timbrée, ni destinée à quelqu’un. L’enveloppe fut décachetée d’un geste chirurgical, et une lettre tomba. Judith la retira et lut à voix haute :

« Mes Chers enfants, ma Chère Judith, mon Cher Rudolf,
Si vous lisez cette lettre, c’est que vous n’avez pas été tués par la police militaire d’Hitler. Et j’espère que vous lisez cette lettre en sécurité, sans devoir fuir ce dictateur tueur. Je dois vous l’avouer, nous sommes traqués depuis mai 1935. Mais ils ne savent pas que nous possédons deux villas en France. J’aurais voulu lire cette lettre avec vous, dans un monde meilleur, sans criminel au pouvoir ! La raison de notre surveillance, c’est notre religion ! Si nous avions été chrétiens nous n’en serions pas là !
Un jour ou l’autre nous devrons fuir, pour vous mettre en sécurité. Toi, ma petite Judith, vu que tu as seize ans, et que tu parles anglais, nous t’enverrons, avec Rudolf, aux Etats-Unis.
Votre maman vous aime très fort ! Moi aussi ! Nous vous souhaitons une bonne vie, en espérant vous revoir.
Votre mère Roberta Hanz-Merkelassmmuss
Votre père Adolf Hanz-Merkelassmmuss
Ecrit le premier septembre 1935 à Pornic »
Judith fondit en larmes, son frère enleva la lettre pour la protéger de ses pleurs. Rudolf s’empara de la deuxième lettre. Elle avait été redirigée cinq fois avant d’arriver ici. A l’intérieur, il n’y avait qu’une simple coupure de journal !
« Hanz et Merkelassmuss, condamné à 20 ans d’emprisonnement dans la prison de Buchenwald pour non-respect des lois de Nuremberg !
L’ancien Banquier chef crapuleux de la Bundesbank von Frankfurt et sa femme ont été arrêtés, alors qu’ils tentaient de fuir, par la vigilante Gestapo ! Seuls leurs enfants ont réussi à s’enfuir, mais ils n’avaient aucune importance dans l’affaire ! Ces Juifs ont volé de l’argent du peuple pour leur usage personnel, comme tous les Juifs. Ils voulaient s’enfuir avec, mais tout a pu être récupéré ! Le Führer félicite la Gestapo de cette magnifique arrestation, sans qui l’argent des Allemands aurait disparu. Le Journal du Führer Francfort 19 Octobre 1935. »

Un morceau de papier tomba de l’enveloppe, Rudolf le déplia et le lut :
« Si vous voulez en savoir plus allez dans le troisième lieu ! signé MRAHMBbF »

« Papa et maman n’ont pas été tués !

- Mais ils étaient en prison et si ça se trouve ils ont été torturés !

- Torturés ! balbutia-t-elle ! Mais où peut être le troisième lieu ?

- Guebwiller ! Nous devons allez à Guebwiller ! s’exclama Rudolf.

- Oui mais nous partirons demain ! propose-t-elle d’une voix timide.

- Bien sûr ! Demain, on retourne à la maison, on y couche et le lendemain nous irons à Guebwiller ! Cela te va-t-il ?

- Oui, oui ! Nous aurions trop de route pour y aller à partir d’aujourd’hui ! Cette journée a été riche en émotion ! Je prendrais bien une douche ou un bain pour me délasser !

- Je vais préparer les lits pour cette nuit ! La route me fatigue beaucoup ! déclare le frère cadet.

Béatrice se reposa dans son bain. Couchée dans sa baignoire, elle observait la mosaïque sur le mur de la salle de bain ! À certains endroits elle reconnaissait des poissons, à d’autres endroits une baleine ou un dauphin nageait dans le damier bleu. Elle essayait de penser à tout sauf aux lettres qu’elle venait de lire et d’entendre. Ce n’était pas quelque chose de facile, à chaque fois qu’elle fermait les yeux, une image de torture apparaissait ou les lettres MRAHMBbF. Que pouvait-elle signifier ? Ce pseudonyme l’énervait ! Elle commença à faire le vide dans sa tête, elle commença de s’endormir ! Un bruit étrange la réveilla ! Elle cria :

« D’où vient ce bruit ?

- Ce n’est rien ! C’est juste une horloge qui ne marchait plus ! J’ai réussi à la réparer !
- D’accord ! Mangeons. » L’horloge cria que les huit heures étaient arrivées !


Manger pour ne pas souffrir ! Manger pour oublier !

Huit coups sonnèrent dans la cuisine. Sur une table se dressaient deux assiettes, deux verres, deux couteaux, deux fourchettes, une bouteille d’eau et une baguette de pain, tout va bien. Béatrice, en tablier, préparait un steak avec des petits pois. Jean-Michel, lui, était à table en train de couper du pain.

« Veux-tu des rillettes du Mans ? tonna la voix grave.

- Oui, tu peux m’en servir une fine tranche ? »

Le reste du repas fut silencieux, seul au moment de la sonnerie de neuf heures, du bruit éclata dans la maison !

« Bonne nuit à demain » dirent-ils ensemble à l’unisson.

Chacun se dirigea vers sa chambre pour y dormir. La nuit fut calme, aucun cauchemar n’avait assailli la tête de l’un des habitants de la villa ! À sept heures du matin les deux logés se dirigèrent vers la cuisine pour y prendre un petit-déjeuner. Après l’engloutissement du petit noir, les deux personnes finirent de se préparer pour repartir vers Paris. La route fut plus longue que dans l’autre sens, car cette fois-ci, ils devaient savoir ce qui était vraiment arrivé à leurs parents. Etaient-ils morts en prison ? Torturés ? Ou alors ils furent enfermés normalement ? Et ils sortirent de prison après vingt ans vivants mais en très mauvaise santé, et ils moururent ? Ou alors ils pourraient être encore… vivants ? Mais il ne fallait pas y penser, leur déception serait double. S'ils étaient encore vivants, Béatrice et son frère auraient pu les revoir, revivre avec eux ! Mais s’ils sont morts, le fait d’avoir penser qu’ils étaient encore de ce monde décevrait l’orpheline ! Donc Béatrice oublia ce qu’elle venait de penser. Pour oublier, elle regardait les champs blanchis par la rosée gelée, elle observait les villages qu’ils traversaient. Midi arriva, la voiture s’arrêta dans un village avant Chartres, nommé Brou ! Les roues de la Bugatti noire s’arrêtèrent près d’un bassin, juste à côté d’une table placée sous un arbre.

En ce dimanche 20 décembre, le vent n’était pas froid, Jean-Michel et sa sœur purent manger tranquillement, mais leurs estomacs ne pouvaient que se presser à tout manger, car il n’avaient pas le temps. À certains moments, des canards s’approchaient d’eux pour réclamer un bout de pain. Les aiguilles de la montre de Béatrice montraient une heure. Il était temps de repartir ! À quinze heures, la voiture arriva enfin au onze Boulevard Vincent Auriol. La journée, pour les voisins du sixième palier s’était finie tôt, car le lendemain ils avaient de la route.

Le lendemain, après avoir bu un café et mangé deux tranches de brioche, le départ fut à sept heures trente. La berline partit en trombe, elle pouvait, si elle le voulait, atteindre Guebwiller un peu avant une heure. Béatrice réfléchissait à la lettre qui pouvait bien l’attendre. Le voyage fut tellement court que la co-pilote ne se rendit pas compte qu’elle était déjà à Guebwiller. Il était treize heures, ils mangèrent à la hâte le repas, un rôti de bœuf avec des petits pois, et un bout de brownies. Son frère lui dit :

« Regarde, nous sommes arrivés.

- La maison n’a pas changé, elle est toujours de la couleur rose pastel ! »

Ils se précipitèrent vers la maison d’un étage, aux murs rose avec des troncs de bois qui les zébraient. L’extérieur de la villa était différent de celui de Pornic mais l’intérieur était quasi semblable ! La première chose que firent les deux Hanz-Merkelassmuss, c’est de grimper les escaliers pour lire la lettre. Il y en avait deux, l’une était la même que l’autre, aucune différence, mise à part une faute sur le mot dictateur, le ‘’c’’ avait été remplacé par un ‘’K’’, la date et le lieu étaientles mêmes. La deuxième lettre avait, elle aussi, été redirigée plusieurs fois comme celle de Pornic !


Buchenwald, bonne prison ?

Jean-Michel retrouva une nouvelle coupure de journal, il la lut à sa sœur :

« Buchenwald fut un camp de concentration entre 1937 et 1945. Buchenwald était situé en Thuringe, près de la ville Weimar. Beaucoup de gens y ont été enfermés, que ce furent des communistes, des résistants, des tziganes ou alors des juifs. Parmi les Juifs ils y avaient beaucoup de gens célèbres, tel que l’homme politique français Léon Blum, ou l’ancien chef de la Bundesbank von Frankfurt Adolf Hanz. La plupart des prisonniers célèbres, une cinquantaine voire soixantaine de personnes, purent sortir du camp vivants, mais très affaiblis. Beaucoup moururent avant aujourd’hui, soit dix ans après leurs sorties du camp concentrationnaire. Le Journal du Führer 12 Février 1955 MRAHMBbF »


Judith pleurait beaucoup, son frère aussi, il essaya de la consoler. Comme à Pornic il y avait un papier, plié en plusieurs fois. Rudolf le lut par curiosité, et remarqua quelque chose d’étonnant. Il y avait de marquer :

« Si vous voulez en savoir plus allez donc à la maison mère ou à la mer ! MRAHMBbF »

Que peut bien être la maison mère ? Celle de la mer, c’est celle de Pornic ! Béatrice le coupa dans sa réflexion et cria :

« Il faut aller à Francfort, c’est là-bas où nous avons grandi, c’est la maison mère !

- Tu te souviens de l’adresse ?

- Ce n’était pas loin du Naturpark Hoch-Taunus ! C’était le treize Berliner Straβe ! Je m’en souviens ! Il faut aller là-bas !

- Mangeons d’abord, réclama son frère, pendant que son estomac voulait manger, nous partirons demain là-bas ! J’ai faim ! » Il regarda sa montre.


Ils mangèrent, Judith était partagée entre la tristesse et la joie ! Elle ne savait pas si ses parents étaient encore vivants, ou bien morts dans le camp de la torture ! Elle le savait, un bon bain la reposerait ! Après un repas aussi bruyant qu’un repas funèbre, le fils du propriétaire se proposa d’aller chercher de l’essence et de s’occuper du beau bijou qu’était la voiture. Quatorze heures arrivèrent lentement, Judith commençait à prendre son bain en regardant une horloge. Elle réfléchissait, mais que veut dire « MRAHMBbF » c’est le nom d’un lieu, d’une personne, d’une organisation secrète... Ça ne peut être ni un lieu, ni une personne, sûrement pas une organisation secrète, son père n’aime pas ça ! C’est forcément quelque chose de codé. Cette recherche l’exaspéra, elle décida donc de se laisser flotter dans le sommeil.

Un cri traversa la maison :

« Béatrice où es-tu ?

- Dans la salle de bain !

- Ça fait deux heures que je te cherche ! Il est sept heures !

- Déjà, s’étonna sa sœur, je me suis endormie ! C’est pour ça que tu ne me trouvais pas !

- Viens préparer à manger !

- Je vais m’essuyer et j’arriverai ensuite !

- D’accord », grommela Jean-Michel fatigué de sa recherche, en plus d’être affamé.

Comme d’habitude le repas fut silencieux, seule l’horloge essayait de faire du bruit. Neuf heures, ils devaient se coucher car demain de la route les attend. Le réveil sonna comme depuis quatre jours à sept heures. Béatrice et Jean-Michel se dépêchèrent de manger leur petit-déjeuner, car ils étaient pressés de retourner dans la maison où ils avaient grandi et peut-être aussi, ils l’espéraient, retrouver leurs parents ! Mais ils n’y croyaient pas ! La route parut longue, mais la Bugatti type 57 arriva à Francfort à douze heures, l’heure du repas.


Francfort, l’étape finale !

La maison n’est plus qu’à quelques centaines de mètres, la pression était trop forte, Béatrice commença à pleurer. La voiture s’arrêta, ils y étaient, devant le treize Berliner Straβe. La maison, comme les autres n’avait pas changé ! Béatrice et Jean-Michel se précipitèrent vers la porte et y sonnèrent. Un homme âgé, peut-être de quatre-vingts ans, apparut dans l’embrasure de la porte. La discussion se fit en allemand naturellement, L’homme âgé commença :

« C’est pour quoi !

- Voilà, nous habitions ici quand nous étions jeunes ! Et nous sommes à la recherche de nos parents !

- Vous voulez une enveloppe que l’on m’avait donnée ! Prenez-la et entrez dans la maison ! »

Ils entrèrent, l’homme alla dans la cuisine, il discutait avec sa femme. Malheureusement, Béatrice et Jean-Michel, n’entendaient rien ! Jean-Michel ouvrit la lettre, Il y avait une coupure de journal, il la lut pour sa sœur :

« Après avoir été torturé dans l’un des camps de la mort, l'ancien patron de la Bundesbank von Frankfurt, Adolf Hanz, ainsi que sa femme, rentrèrent chez eux. Fatigué certes, mais il est généreux. Le 15 novembre 1965, il co-finança un mémorial de la déportation, à Buchenwald, là où il fut enfermé. Il voulait que tout le monde sache ce qu’il s’est passé, et pour que les gens n’oublient pas ça pour en créer d’autre. Il faut selon lui choquer les gens pour qu’ils comprennent ce qui s’est passé. Le Berlinois 20 novembre 1965 MRAHMBbF»

Un petit papier tomba, les habitants de la maison arrivèrent à coté des nouveaux arrivants.
L’homme prit le papier tombé et dit :

«Vous avez peut-être déjà croiser mon pseudonyme ! Je vais vous dire sa signification en vous lisant ce papier :
Merkelassmuss
Roberta
Adolf
Hanz
Mer de Pornic
Bundes bank
Frankfurt
Donc ma petite Judith, mon petit Rudolf, Je suis votre père ! Et voici votre mère !

- Papa, maman, vous êtes vivants ? Nous vous croyions morts, quand les policiers vous avaient arrêtés ! Béatrice pleurait, comme son frère, ils ne pouvaient pas se remettre de la nouvelle !

- Qu’êtes-vous devenus ? demanda Roberta, en fixant ses enfants !

- Ce serait une longue histoire de tout vous raconter ! déclara le fils ! Nous habitons à Paris, dans le treizième arrondissement. Béatrice Merkel, c’était son nouveau nom pour que la Gestapo ne nous retrouve pas, est conseillère clientèle. Et moi, Jean-Michel Durant, je suis conseiller économique de la Banque nationale de France, la même que Judith !

- Nous vous raconterons notre vie, en même temps que vous, le soir de Noël ! déclara la femme de maison.

- Tiens ! Vous avez gardé la belle Bugatti type 57 noire ! dit-il en regardant par la fenêtre. Elle roule toujours aussi bien ?

- Peut-être mieux qu’avant ! rigola Béatrice.

- Allez, venez, prenons un peu de vin tous ensemble pour fêter nos retrouvailles ! Maintenant que nous nous ensemble ! Venez dans le salon ! Et mangeons, c’est l’heure du repas ! »

Adolf ferma la porte après que sa famille fut de nouveau réunie. Les treize heures sonnèrent d’une horloge suisse. Quelques minutes plus tard, la bonne humeur était de retour, on entendait rire dans le salon, en plus des combats entre la nourriture et les fourchettes, comme dans les années vingt. Noël allait enfin redevenir une fête familiale pour ces quatre membres d’une famille coupée en deux, à cause des méfaits de l’Histoire !


BH
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