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Je ne suis pas comme toi

Il est temps que je lui réponde. Comment lui dire ? Comment lui expliquer que ça ne peut pas continuer ? Que tout ce qui est arrivé est une erreur ? Au fond est-ce que j’ai vraiment envie que ça s’arrête ? Il faut que je lui parle, mais j’ai peur, alors j’écris :

« Laure,

Jamais je n’aurais pensé écrire une lettre enflammée à une femme. Tu m’as déroutée, tu as bouleversé ma vie, cette vie que je n’aimais pas plus que ça, mais qui me protégeait du monde qui nous entoure.

Avant, tout me dégoûtait chez toi, ton physique, tes idées, ta façon de voir la vie…Tu es si idéaliste. Je redoutais les jours où tu venais me voir à la banque, ton projet est insensé. Mais tous les soirs, je pensais à toi,·tu me troublais. Finalement tes cheveux me paraissaient jolis tout emmêlés, tes yeux bleus m’hypnotisaient et tes fossettes me faisaient succomber. Peu à peu, je buvais tes paroles. Je me fichais de ce dont tu me parlais, ce n’est pas ton centre d’aide aux jeunes homosexuels qui m’intéressait, mais toi.

Tu te rappelles du jour où je t’ai demandé de venir boire un café avec moi, tu m’as regardé avec de grands yeux ronds, mais tu as accepté. Sur le chemin, tu parlais encore et encore…

Pendant ce temps-là, je réfléchissais à ce que j’étais en train de faire, j’allais au-delà de mes convictions et j’avais honte. Mais je ne pouvais pas me résoudre à oublier ce désir d’être avec toi. Qui aurait cru, que moi, Béatrice Merkel, 42 ans, de droite et hostile à tout ce qui peut sortir de l’ordinaire pouvait éprouver un penchant homosexuel. Mes idées politiques ont souvent été une barrière à mon épanouissement.

Tous les soirs, quand je retrouve mon appartement dans le 13ème, je regarde mon chien et j’imagine ma vie sans lui et tu prends sa place. Tout ceci est bizarre. Je suis stupide.

Le jour où finalement j’ai eu l’audace de t’embrasser, toutes mes peurs se sont évaporées.

Passer du temps avec toi m’a aidé à voir plus loin. Je retrouvais mon esprit critique, et je me surprenais parfois à être d’accord avec toi.

Puis le jour où nous avons fait l’amour pour la première fois, je savais que ce serait la dernière. Finalement notre relation ne menait à rien. Nous n’avons rien à construire. Tu es jeune et moi non. Alors pourquoi continuer à se faire du mal.

Ma vie me manque. Je retourne en Allemagne où je pourrai t’oublier.

Béatrice. »

LG
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