_______________

La femme seule et l’enfant malheureux

Cette grande femme brune, aux cheveux lui arrivant aux épaules, avec ses grands yeux bleus tellement tristes, ce joli visage pâle et cette silhouette élégante avec ses vêtements sombres, qui marche à vive allure va en fait au travail comme tous les matins à huit heures.

Elle exerce la profession de conseillère clientèle dans une banque et se prénomme Béatrice Merkel, elle a entre quarante-cinq et cinquante ans. Et si elle est si triste, c’est qu’elle s’ennuie dans sa vie routinière de femme divorcée et célibataire sans enfant.

Mais de l’autre côté de la rue, un enfant d’à peu près huit, dix ans la regarde, il la suit du regard à chacun de ses passages, il l’admire, la trouve jolie et la dessine sur son petit cahier où il réalise des œuvres qu’il revend ensuite.

Ce petit garçon c’est Paul, il est brun, aux yeux noisette, toujours radieux malgré tous les malheurs qui lui sont arrivé. Son père est décédé à la suite d’une chute de toit car il était couvreur, et sa mère pour noyer sa douleur a sombré dans l’alcoolisme. Il vit toujours chez elle, mais il doit travailler pour la nourrir, ainsi que sa sœur Louise de trois ans et son chien Uno.

Il aimerait tellement parler à cette jolie dame qu’il voit tous les jours, il voudrait dessiner son portrait pour changer des dessins où elle bouge toujours, mais il n’ose pas. Quand un jour le 11 octobre 1979 la jolie dame se fait arracher son sac à main par un homme. Paul se lève et court, il court tellement vite qu’il réussit à rattraper l’homme, lui arrache le sac des mains, part à toute allure, retourne vers la femme, lui prend la main et ils se mettent à courir tous les deux, ils s’arrêtent dans un café, la dame offre un chocolat bien chaud à Paul pour le remercier et il discutent.

Paul se dit : « Elle se prénomme Béatrice, ce qu’elle est belle et gentille, elle me fait énormément penser à maman... avant... »

Quand Béatrice le ramène à la réalité en lui disant : « A quoi penses-tu ? »

Il répond : « Je voulais vous demander si je pourrais faire votre portrait, ce sera gratuit, c’est juste pour le plaisir de vous dessiner. »

Béatrice lui dit qu’elle est d’accord mais à condition qu’elle paie. Il accepte et lui donne rendez-vous le lendemain à 18h00 sur la grande place. Ils s’embrassent amicalement et se quittent. Ils se voient le lendemain ainsi que les jours suivants après la journée de travail de Béatrice, ils s’entendent merveilleusement bien. Quand un jour, elle découvre que Paul a d’énormes bleus sur les avant-bras. Elle lui demande ce qu’il a fait pour avoir ces bleus, il répond que ce n’est rien, elle insiste et il lui dit la vérité : « C’est maman, quand je ne ramène pas d’argent à la maison elle me tape, mais c’est normal, je suis méchant. »

Béatrice rétorque : « Mais non, ne dis pas de choses pareilles, tu es adorable et ta maman n’a pas à te frapper pour cette raison. Normalement tu ne devrais pas travailler à ton âge, tu devrais être à l’école. »

Paul lui répond : « Je sais, mais il faut gagner de l’argent pour manger. »

Béatrice lui dit : « Emmène-moi chez toi je vais discuter de tout cela avec ta maman. »

Paul n’est pas trop d’accord mais il l’emmène pensant que peut-être ensuite il pourra enfin aller à l’école, il en rêve tant. Mais quand elle commence à parler, la mère la met à la porte. Elle lui donne son adresse et son numéro de téléphone au cas où elle aurait besoin de son aide.

Le lendemain, elle parle avec Paul et lui explique qu’il faut que sa mère se fasse soigner pour qu’elle redevienne comme avant, mais que pour cela il faut qu’il vienne voir la police avec elle. Paul qui aime tant sa maman « d’avant » accepte. Ils vont voir la police et font une déposition. Mais quand la maman l’apprend, elle se met très en colère et tape tellement fort sur son fils qu’elle lui casse le bras, Louise qui assiste à la scène se met à pleurer, Paul s’excuse et pleure. Il s’enferme dans sa chambre avec Louise et Uno et la maman repart à son verre d’alcool. Les deux enfants s’endorment, mais dans la nuit vers 1h30, Paul réveille Louise, lui dit de s’habiller. Elle s’exécute et suit Paul dans le couloir sur la pointe des pieds. Ils vont chez Béatrice. Ils frappent à la porte mais rien n’y fait. Alors ils se mettent à crier et à taper de toutes leurs forces sur la porte, cela fait un énorme bruit, même Uno qui les a suivis se met à aboyer. Les voisins sortent ainsi que Béatrice. Elle demande aux enfants : « Mais que faites-vous ici? »

Paul répond : « Ma maman a été très méchante ce soir, elle m’a battu très fort, maintenant j’ai mal au bras et je voulais mettre Louise en sécurité. »

Béatrice dit en les faisant entrer : « Venez, je vais vous installer sur le canapé et je vais regarder ton bras. »

Les deux enfants répondent en chœur : « Merci beaucoup ».

Béatrice examine le bras de Paul et se rend compte qu’il est bien mal en point alors elle décide de l’emmener à l’hôpital, mais elle ne peut pas laisser Louise toute seule alors elle appelle son ex-mari qui habite à peine à 500 mètres pour qu’il vienne la garder. Il accepte et vient, Béatrice part avec Paul. Arrivés à l’hôpital les médecins demandent ce qui s’est passé, Paul leur explique et les médecins disent à Béatrice qu’il a le bras cassé et qu’il faut lui mettre un plâtre. Paul et Béatrice rentrent à l’appartement qui se trouve dans le 13e arrondissement vers la place d‘Italie. Bruno, l’ex-mari, et Louise dorment profondément sur le canapé. Alors Paul et Béatrice se couchent, mais elle oublie de mettre le réveil à sonner et elle ne se réveille qu’à 12h15, et Bruno, qui est son patron, dort toujours. Elle le réveille, ils mettent un mot sur le réfrigérateur où il est écrit: « Nous rentrerons à 17h45. Servez-vous. Bisous. », et ils partent tous les deux au travail. Quand ils arrivent, les collègues parlent, ils disent qu’ils sont à nouveau ensemble, qu’ils ont passé la nuit tous les deux… Le soir en arrivant ils trouvent une table mise, bien présentée, le repas est prêt… et les enfants regardent la télévision. Il se mettent tous à table et Louise dit : « Madame, je peux rester chez-vous ? J’aime bien être ici, c’est joli et vous êtes gentille. Vous voulez bien être mon papa et ma maman ? ».

Béatrice, après avoir parlé avec Bruno, explique aux enfants : « Nous ne pouvons être vos parents car vous avez une maman qui vous aime, malgré ce qu’elle vous fait subir. Ce n’est pas de sa faute si elle est méchante, elle est juste malade. C’est pour cela que nous allons demander à avoir votre garde pendant qu’elle se fait soigner. Cela vous plairait ? »

Les enfants en sont très heureux. La procédure est longue il faut que Paul et Louise passent un mois et demi dans un orphelinat. Pendant ce temps, Béatrice garde le chien. Bruno doit retourner habiter avec son ex-femme pour que la garde provisoire soit acceptée mais cela se fait sans trop de difficultés. La maman est admise dans un centre de désintoxication, ses enfants viennent la voir une fois par mois, ils sont heureux, ils vont à l’école. Et la maman remercie même Béatrice de l’avoir mise dans ce centre, et de garder ses enfants. Maintenant, il suffit qu’elle continue à se soigner. Et dans ce cas tout se passera bien.


AS
2008 Ecrire avec, lire pour © Droits réservés