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Mémoires d’une exilée

Je m’appelle Béatrice Merckel, j’ai quarante-cinq ans, j’ai actuellement divorcé, et depuis peu, j’habite Paris dans le treizième arrondissement, vers la place d’Italie. Je suis d’origine allemande, et je n’ai pas d’enfant de mon premier mariage.

Nous sommes en 1965, et je suis née le 4 novembre 1920 à Berlin. J’ai vu beaucoup d’horreurs dans ma vie, mais la plus effrayante, et la plus dure fut l’horreur qu’avait été celle de la seconde guerre mondiale, qui avait aussi été la plus meurtrière. Mes parents étaient de riches bourgeois allemands, car ma mère était la digne héritière d’une usine de textiles qui avait fait fureur dans les années 14-18. Mon enfance, avant ce terrible événement, avait été une enfance magnifique, remplie d’amour, de bonheurs et de joies. J’avais deux sœurs et un frère. Ils étaient tous mes aînés. Le plus grand, Franz avait dix ans, ensuite, il y avait Liza, qui elle, était âgée de huit ans, et, il y avait pour finir Marichen qui avait cinq ans.

Le pays à cette époque-là traversait une forte période de crise économique, et le taux de chômage avait atteint des records. Cette crise avait été engendrée depuis la fin de la première guerre mondiale, et il s’était instauré de multiples conflits dans toute l’Europe ainsi qu’au sein même de notre ancienne belle Allemagne. Face à cette crise, un homme seul réagit, il avait organisé des soupes populaires pour se faire aimer de tous, car en ce temps-là, manger n’était pas évident pour tout le monde. Son parti était le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands), et personne ne se doutait à cette époque que cet homme allait faire souffrir des millions d’êtres humains. Il avait réussi à convaincre le peuple allemand, par sa vision du monde d’où il avait trouvé la « clé » dans le racisme et l’antisémitisme, mais bien évidemment il avait des opposants, et notamment mes parents. Nous étions tous juifs dans ma famille, et cet homme nous horrifiait, mais nous n’aurions jamais pu, à cette époque-là, croire, ni imaginer la suite des événements.

30 Janvier 1933, j’étais âgée de treize ans, et de nouvelles élections avaient eu lieu. Adolf Hitler avait été élu avec 37.4% des votes, et donc devint le nouveau chancelier de l’Allemagne. Nous étions tous dépités, nous avions peur du futur, de ce qu’allait devenir notre Allemagne, qui fut l’Allemagne de nos ancêtres, et nous avions bien raison. Dès lors qu’Hitler fut élu nouveau chancelier allemand, les réformes commençaient à « pleuvoir » pour parler familièrement. Je me souviens de la réaction de mes parents lorsqu’il avait fait supprimer les syndicats… Ma mère, d’ordinaire très calme et douce avait été très rustre à son égard, elle savait que son entreprise familiale allait finir par faire faillite ou allait finir par être réquisitionnée par le gouvernement, et ça, elle ne pouvait le concevoir !

Je me souviens de l’omniprésence de la police à cette époque, et que le crime était devenu un moyen de gouverner. Nous étions tombés comme le disait mon père dans un « darwinisme social », et lorsque je lui avais demandé ce que cela signifiait, il m’avait répondu, et je me le rappellerai toujours : « Le darwinisme social ma chérie, c’est lorsqu’un homme comme Hitler pense pouvoir arriver à forger un peuple de guerriers, apte à croire, à obéir et à combattre, à se sacrifier pour agrandir son pays et sa force de domination… En tout et pour tout ma chérie, pour moi c’est lorsqu’un homme veut instaurer un monde de terreur et qu’il est prêt à entraîner tout peuple dans sa folie… Nous sommes tous égaux, retiens-le bien, il n’y a pas de races supérieures ni de races inférieures ! »

Le nouveau slogan de l’Allemagne était devenu « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », c'est-à-dire « Un seul peuple, un seul état, un seul chef », et personne ne réagissait, les gens avaient trop peur de ce nouveau gouvernement. Il y avait même selon ce gouvernement une race supérieure, la race Aryenne. Tous les livres contraires à « l’esprit allemand » avaient été brûlés, et mon père qui en plus d’être mordu de littérature, était mordu d’art, s’était vu retirer ses tableaux d’art moderne, sous prétexte que c’était un art de « dégénérés » Mais ce n’était rien par rapport à ce qui allait se passer…

Le Führer avait décidé qu’il fallait en finir avec les races inférieures, car l’Allemagne allait entrer en guerre contre la France… Déjà, à partir de 1933, de nombreuses familles avaient étrangement disparu, notamment celle de ma voisine. Elle avait deux filles, Ingrid et Paula, que je n’ai jamais revues…

Un de ces soirs tristes, comme il y en avait tant, on frappa à la porte, maman ne voulait pas que papa ouvre la porte, mais papa refusa, il ouvrit la porte, il y avait en face de lui deux hommes étranges, habillés de longs manteaux de cuir noirs, de costumes gris, et ils avaient tous deux un chapeau noir. Papa ne voulait pas que nous les écoutions mon frère, mes deux sœurs, et moi-même, donc Franz nous avait emmenées dans sa chambre. Il essayait tant bien que mal de nous rassurer, mais il avait l’air si inquiet, qu’il n’y parvint pas. Nous avions entendu un bruit sourd qui venait de la salle à manger, nous y avions couru. Mon père y était allongé, et il saignait. C’était un des deux hommes qui l’avait frappé, il insultait papa, en disant que ce n’était qu’un sale juif. Franz, alors âgé de vingt-deux ans, se rua sur l’officier, et commença à se battre avec ce dernier. Ma mère alors affolée lui disait de partir à toute vitesse. Il y était parvenu, mais nous étions à présent leurs prisonniers.

Notre punition avait été que nous avions été envoyés au ghetto de Lodz, en Pologne. Même si Franz ne s’était pas battu, je savais très bien qu’un jour ou l’autre, nous aurions fini par aller dans ce terrible endroit, alors, je préférais me dire que Franz avait bien fait. Papa parlait souvent de ce lieu avec maman, étant petite, je pensais que ce n’était pas un si mauvais endroit, car d’accord les juifs étaient coupés du monde, mais comme ça, plus personne ne les martyrisait. Que l’on est rempli d’insouciance lorsque l’on est enfant !

La réalité me rattrapa très vite, en quelques heures, nous étions arrivés au ghetto de Lodz. Ma vision « fabuleuse » à propos des ghettos changea du tout au tout. Les gens étaient loin d’avoir l’air heureux, ils étaient tous très maigres, il semblait qu’ils étaient loin de manger à leur faim. Tout le monde se trouvait dans la rue, il devait y avoir des millions de gens dans ce ghetto. La plupart des gens vendaient tout ce qui leur appartenait, que ce soit des livres, des robes ou que sais-je encore, des manteaux… Ils faisaient ça afin d’avoir un peu d’argent pour pouvoir nourrir leur famille. Je ne me doutais pas que bientôt, c’est moi qui allais être à leur place…

Les premières semaines, nous avions eu beaucoup de mal à nous accoutumer à notre « nouvelle vie ». La nourriture était réellement très dure à dénicher, de plus, elle était hors de prix. Maman disait souvent que maintenant, elle comprenait pourquoi ses ouvrières se plaignaient assez fréquemment de leur salaire qui était trop bas. La vie, disait-elle, était aussi dure pour elles à l’époque, que pour nous actuellement. Il nous arrivait de ne pas avoir assez d’argent pour manger, ma sœur Liza nous disait pour nous faire rire à ma sœur et à moi-même : « Et bien au moins, quand tout cela sera terminé, nous n’aurons plus besoins de faire un régime pour l’été, puisque celui-ci est déjà commencé ! » Cela nous amusait beaucoup. Nous passions la totalité de notre temps à essayer de tout tourner en dérision afin de ne pas craquer, et comme ceci, papa et maman allaient eux aussi mieux. Marichen et moi étions très proches, non seulement par rapport à notre âge, mais aussi car nous étions comme les deux doigts de la main pour parler familièrement.

4 Novembre 1937, le jour de mes dix-sept ans… Je m’en souviendrai toute ma vie. Ce fût le jour le plus triste de toute ma vie, et encore aujourd’hui, il m’arrive d’y penser assez souvent. Marichen et moi-même étions allées vendre la plupart de nos affaires, afin de pouvoir ramener à manger à la maison. Ce jour là, je ne sais si c’était parce que c’était le jour de mon anniversaire, mais nous avions vendu beaucoup plus de choses que d’habitude.

Marichen était très contente, car elle me disait que grâce à cet argent, nous aurions de quoi faire un bon repas pour mon anniversaire, et même de quoi m’acheter un cadeau… J’étais aux anges. Mais une fois que nous étions allées chercher de quoi manger, un homme nous agressa, il voulait notre nourriture, mais pour Marichen, c’était hors de questions de lui offrir le fruit de notre travail. Elle retenait de toutes ses forces le paquet dans lequel l’épicier avait enveloppé notre seul bien.

Je regardais la scène impuissante, jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’il était trop tard, que je ne pouvais plus rien faire pour Marichen, il l’avait poignardée, il avait osé prendre sa vie, pour un malheureux paquet de nourriture. Inutile de vous dire à quel point je me sentais responsable de ce qui venait de se passer. Ma sœur, là, étendue face contre terre, ce vidant de son sang, de mon sang, de notre sang à toutes deux. Je n’avais même pas eu le temps de lui dire que je l’aimais, que je ne l’oublierais jamais… Papa et maman, quand j’étais rentrée, ne comprenaient pas mes larmes, ni le fait que je ne sois pas avec Marichen. Papa avait l’air d’avoir compris assez rapidement, mais maman elle, avait l’air de ne pas vouloir savoir, de peur des conséquences que cela aurait pu entraîner. Pendant plusieurs semaines, nous étions restés enfermés à la maison, nous avions perdu tout espoir de retrouver une vie normale après ce qu’il s’était passé.

3 Septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclaraient la guerre à notre pays. Tous les gens qui étaient avec nous dans les ghettos se réjouissaient à cette idée. Nous considérions ces deux grandes puissances comme nos libérateurs. Puisque les Allemands ne nous défendaient pas, eux le feraient à leurs places ! La seule chose que nous ne savions pas, c’est l’enfer qu’allait être le nôtre. Si nous avions su que le ghetto ne serait rien comparé à ce qui était en train de se faire, je crois que la plupart des gens se seraient donné la mort eux même, de façon à pouvoir rester dignes et être encore considérés comme des êtres humains. Le début de la guerre entraîna de multiples bombardements dans tout le pays, y compris à proximité du ghetto ou nous nous trouvions. Face à autant de conflits, le gouvernement du IIIe Reich décida d’accélérer le processus "d’extermination". Des camps de détentions avaient été créés où des milliers de juifs travaillaient afin de produire de multiples armes pour l’armée allemande. Ce que nous ignorions, c’est que ce n’était pas seulement des camps de travail, mais aussi et surtout des camps de mort.

Mai 1942, il semblait que les nazis voulaient se débarrasser de nous. La guerre était plutôt mal engagée pour eux à ce qui se disait. Ils leur manquaient des armes, ce pourquoi ils avaient besoin de nous dans les camps. Par "chance", ma famille et moi-même avions étés envoyés dans le même camp, celui d’Auschwitz. Le voyage en train avait été épuisant, et nous étions des centaines, tous entassés dans un même wagon. Il y avait des femmes, serrant leur bébé dans les bras, et le voyage avait duré des journées entières, sans eau, ni nourriture, et la plupart d’entre nous avaient péri dans ce périple. L’arrivée à Auschwitz avait été l’une des choses qui m’avait le plus marquée. Il y avait une multitude de baraques alignées les unes après les autres, et le paysage paraissait plus qu’austère. Il y avait des barbelés tout autour du camp, et tout au long de ces barbelés, il y avait des hommes en arme avec leurs chiens. Il faisaient tout cela afin qu’aucun prisonnier ne puisse s’évader. Il y avait des gens, qui passaient, habillés d’un simple "pyjama rayé", avec un numéro tatoué sur la main. L’être humain n’était pour le gouvernement, qu’un simple numéro parmi tant d’autres.

A notre arrivée, on nous avait séparés ma sœur, ma mère, moi-même et mon père. Ici, on ne mélangeait pas les hommes et les femmes. Les bébés et les enfants avaient été emmenés dans un endroit très bizarre, qui sentait la mort (plus tard nous avions apprit qu’ils avaient été gazés.) Ma mère, Liza et moi avions été emmenées dans un grand bâtiment, dans la première pièce, nous y avions laissé nos affaires, nos bagages, nos lunettes. Dans la seconde pièce, nous devions nous déshabiller, dans la troisième pièce, on nous avait rasé les cheveux, et pour celles qui n’allaient pas à la "douche", c’est-à-dire les plus jeunes d’entre nous, nous passions dans une quatrième pièce, dans laquelle on nous fournissait des "pyjamas rayés", semblables à ceux que j’avais vus auparavant, et on nous tatouait un numéro sur le bras.

Les femmes qui étaient avec moi étaient toutes aptes à travailler. Nous avions plusieurs tâches, les plus robustes d’entre nous travaillaient dans les usines, afin de fabriquer de nouvelles armes pour nos soldats, d’autres s’occupaient du rapiéçage de leurs uniformes. Au début, comme je faisais partie des plus robustes, je travaillais dans les usines, pendant que ma mère et ma sœur travaillaient dans les ateliers de couture. Le travail était épuisant, et les journées étaient très longues. Les pauses "déjeuner" étaient très courtes, et on ne mangeait presque que du pain et de l’eau. Plus le temps passait, et plus nous étions épuisées. Les filles de notre baraque tombèrent vite malades, et comme les soldats ne voulaient pas s’en encombrer, la plupart de ces femmes, avec qui je passais mes nuits, avaient été envoyées aux fours crématoires ou aux chambres à gaz.

Nous avions régulièrement des visites chez le médecin, pour savoir si nous étions encore aptes à travailler ou non. Et comme nous savions pertinemment ce qu’il allait advenir de nos vies si nous n’étions plus en mesure de fournir le travail demandé, nous nous coupions un peu le doigt pour étaler du sang sur nos visages, afin de paraître plus en forme. Cela marchait presque tout le temps, mise à part pour celles d’entre nous qui ne pouvaient même plus tenir debout sur leurs jambes. Parfois, des soldats, qui étaient des femmes, venaient chercher dans les baraques les plus faibles d’entre nous, pour les emmener chez le médecin. Il prenait ces femmes pour les torturer, en leur faisant des expériences des plus atroces. Comment pouvait-on être aussi inhumain pour les soit-disant progrès de la science !?! La plupart de ces femmes, nous ne les avons jamais revues.

Ma mère tomba très rapidement malade, et un jour, ces horribles soldats étaient venus la chercher pour aller voir le docteur, ma sœur et moi avions rapidement compris que ce n’était pas pour lui procurer des soins, mais plutôt pour l’achever par une de ces affreuses expériences, qui ressemblaient plus à de la torture qu’à autre chose… On ne savait pas quoi faire Liza et moi, alors nous l’avons laissée aller à l’encontre de la mort. Je savais très bien que nous allions le regretter toute notre vie, si nous n’étions pas mortes d’ici-là toutes deux, mais que faire ? Qu’auriez-vous fait à notre place ? Si nous avions fait quelque chose, on nous aurait probablement fait exécuter, et je ne serais pas là pour vous conter tout cela. Cela peu paraître égoïste de notre part, mais comme l’expliqueraient certains scientifiques, c’est l’instinct de survie. Cela nous dépita ma sœur et moi de ne pas avoir sauvé notre mère, mais il avait fallu réagir très vite, car sinon, notre arrêt de mort était signé.

Ma sœur mit beaucoup de temps à s'en remettre, tout comme moi. Elle ne voulait plus se nourrir, ni travailler, car elle n'acceptait pas ce qu'elle venait de faire, ou pour être plus précise, ce qu'elle n'avait pas fait... Je réussis tout de même à lui faire prendre conscience qu'elle n'aurait rien pu faire de toute évidence, et qu'il fallait s'y résigner, qu'il fallait qu'elle continue à travailler, à se nourrir afin de poursuivre sa vie. Elle acceptait de moins en moins ce travail forcé, et tous les reproches et les aboiements qui nous étaient adressés.

Plus le temps passait, plus nous nous rendions compte qu'il commençait à se passer des choses à l'extérieur. Nos bourreaux paraissaient de plus en plus effrayés, ce qui annonçait pour nous, l'arrivée en masse des soldats soviétiques, américains, et bien évidemment français. Le camp se vidait peu à peu, car le gouvernement en avait décidé ainsi. Nous n'étions plus qu'environ six mille déportés dans le camp, alors que nous étions plus de vingt mille au départ.

27 Janvier 1945, année de mes vingt-quatre ans, Liza et moi avons dû rester dans le camps avec les six mille autres déportés, c'est d'ailleurs peut-être ce qui nous aura sauvé la vie à toutes les deux. Nous étions restées ici, car le gouvernement avait encore besoin de nous dans ces camps. On entendait des bruits sourds de mitraillettes, c’était à la fois magnifique et effrayant. C'était magnifique, car au plus profond de nous, nous savions que l'heure de notre libération était venue, mais c'était aussi effrayant, car nous avions peur que nos espoirs ne soient pas fondés, et le fait d'imaginer tous ces soldats, ces jeunes soldats, se battre et mourir pour nous, cela nous effrayait.

Il devait être quinze heures lorsqu'on remarqua les premiers soldats qui venaient pour nous libérer. Ils étaient si intentionnés, si humains, comparé aux fous qui nous détenaient. L'horreur se lisait dans leurs yeux, ils n'arrivaient pas à comprendre comment on avait pu nous faire tout ça... On nous évacua dans des grands véhicules militaires, et les soldats essayaient de nous rassurer, mais ils n'avaient pas besoin de le faire, car rien que le fait d'être venus nous chercher était là, la preuve pour nous qu'ils ne nous voulaient aucun mal. J'étais dans le même véhicule que ma sœur, et pour la première fois depuis la mort de Marichen, nous avions ri...

Il nous avait fallu plusieurs mois avant de retrouver un métabolisme normal. Mais la nourriture n'a jamais réussi à effacer toutes les marques que nous portions. Liza et moi avons décidé d'aller vivre en France, car une vie, un nouveau départ dans cette Allemagne n'était même pas envisageable.

Juillet 1948, on était arrivées en France. Au départ, pendant deux ans, nous avons vécu à Biarritz, car nous avions besoin de chaleur, et d'éloignement. Par la suite, je suis allée vivre à Paris, dans le treizième arrondissement, vers la place d’Italie. Ayant appris le français étant petite, et ayant côtoyé de nombreuses déportées françaises pendant mon "séjour" à Auschwitz, vivre en France n'était pas un souci pour moi... Je réussis à me faire employer dans une banque, en tant que conseillère clientèle.

En 1950, je rencontrai un homme, il s'appelait Jean Morin, il avait trente-cinq ans, comme moi. Et comme moi, il avait été déporté. Nous étions devenus de très bons amis, et nous passions la totalité de notre temps ensemble. Nous étions devenus inséparable. A force de passer tout notre temps ensemble, nous avions fini par nous marier.

Ce mariage ne dura pas très longtemps, en 1958 nous étions divorcés. On ne pouvait plus se supporter, je crois que c'est parce que nous avions vécu la même chose, que nous ne pouvions plus vivre ensemble. Il ne faisait que ressasser le passé, et je ne voulais plus en parler. Je n'ai jamais voulu me remarier, et je n'ai jamais voulu non plus faire des enfants, car je ne voulais pas qu'ils puissent subir ce que ma famille et moi avions subi.

Novembre 1965, j'ai quarante-cinq ans, et je viens d'achever mes mémoires. Je travaille toujours dans la même banque, et il m'arrive souvent de revoir Liza, qui m'a rejointe à Paris.

Nous avons retrouvé Franz, il est toujours en vie. Après son altercation avec le soldat SS qui avait battu notre père, il avait réussi à rejoindre Paris, où il avait rejoint la résistance française, aux côtés de Jean Moulin et autres grandes figures de la résistance. Nos retrouvailles ont été intenses.

Franz s'est marié, et il a trois beaux enfants : Friedrich, en honneur à notre père, Elsa et Joséphine.

Liza s'était mariée, mais a divorcé car son mari l'avait trompée, de leur amour passé est née Marichen, en hommage à notre sœur assassinée.


MEH
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